Selon un rapport récent de la Banque mondiale, 90 % de la population mondiale vit aujourd’hui sur des terres dégradées, respire un air pollué ou subit un stress hydrique. Pourtant, la restauration des écosystèmes naturels reste possible. Elle pourrait même générer des rendements élevés.
Ce constat ne provient pas d’un mouvement militant comme Extinction Rebellion ou Fridays for Future, ni d’un tweet de Greta Thunberg, mais bien d’un rapport officiel de la Banque mondiale, publié en septembre dernier.
Évidemment, une institution au cœur du système capitaliste ne peut qu’offrir une lecture économique des crises écologiques qu’elle décrit.
Dans son rapport Reboot Development: The Economics of a Livable Planet, la Banque mondiale rappelle que huit personnes sur dix dans les pays à faible revenu vivent sans accès à un air, une eau et des sols sains.
Un obstacle majeur, selon elle, à la croissance et aux opportunités économiques.
Le document évoque aussi les conséquences chiffrées de la déforestation (perturbation des pluies, sécheresses...) et le paradoxe de l’azote, où les engrais censés nourrir la planète finissent par appauvrir les sols et les écosystèmes, pour un coût évalué à 3 400 milliards de dollars par an.
Et pendant ce temps, la pollution continue d’affaiblir la santé, la productivité et les capacités cognitives humaines, lentement mais sûrement.
Difficile de ne pas y voir le non-sens d’une économie guidée par le profit à court terme, où la rentabilité immédiate prime toujours sur la survie à long terme.
Et bien que la clause de non-responsabilité précise que les auteurs, membres du personnel de la Banque mondiale, ne représentent pas toujours le point de vue des conseils d'administration, le rapport montre comment le capitalisme a accru la destruction de la planète au cours des trois dernières décennies, précisément à l'ère de la mondialisation et de l'entrée de la planète entière dans le marché mondial.
Le message du rapport est que « en réalité, bon nombre des pays les plus touchés par la dégradation de l'environnement ne se sont pas encore industrialisés. Ils supportent le double fardeau de la pauvreté aggravée par un environnement dégradé, sans avoir récolté les fruits de l'industrialisation ».
Au cours des prochaines années, nous assisterons donc à une recrudescence des manifestations dans les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine contre les multinationales qui tentent d'extraire des matières premières et détruisent et polluent l'environnement, alors que la soi-disant révolution de l'IA se met en place.
Ce rapport est un appel lancé par la Banque mondiale aux capitalistes afin qu'ils fassent preuve de prudence dans leur destruction de la planète, car cela pourrait avoir des conséquences sur le système lui-même. Dans un ton plutôt académique et diplomatique, il affirme que « les inégalités aggravent le problème. Dans les sociétés marquées par de grandes disparités, les groupes les plus riches peuvent être protégés des dommages environnementaux et moins motivés à soutenir l'action collective. Parallèlement, les populations les plus pauvres et les plus vulnérables sont souvent confrontées aux conséquences les plus graves de la dégradation de l'environnement, mais ne disposent pas des ressources nécessaires pour influencer de manière significative les politiques. Cette asymétrie érode la confiance et affaiblit le contrat social, compromettant ainsi la coopération locale et mondiale. »
En clair, cela signifie que s’ils continuent à agir comme ils le font actuellement, les pauvres se révolteront, comme nous l'avons déjà vu au Sri Lanka, au Kenya, ou en Indonésie, au Népal, à Madagascar, au Maroc.
Vont-ils écouter ?
Car le problème n’est pas d’ordre éthique, mais systémique. Certains acteurs du capitalisme peuvent être sincèrement sensibles aux enjeux écologiques, mais le moyen le plus rapide de générer des profits reste souvent destructeur pour l’environnement, qu’il s’agisse d’utiliser des produits chimiques bon marché ou de recourir aux combustibles fossiles. Sous la pression constante des marchés financiers et de la recherche de rendements immédiats, il n’existe pas de marge de manœuvre pour amorcer une véritable transition. Seule une planification économique permettrait d’opérer ce changement de manière ordonnée. Mais le système actuel poursuit sa logique interne, dictée par l’exigence de rentabilité à court terme. Ce qu’il faudrait, c’est un autre système, et il est peu probable que la Banque mondiale soit celle qui en trace la voie.