En juin prochain, des centaines de militants de la Tendance Marxiste Internationale (TMI) se réuniront en Italie, pendant six jours, dans le cadre d’une « Ecole mondiale du communisme ». Plus d’une trentaine de sections et de groupes nationaux de la TMI seront représentés – depuis le Pakistan jusqu’aux Etats-Unis en passant par la plupart des pays d’Europe, la Russie, le Canada, le Mexique, le Brésil et d’autres pays d’Amérique latine.
A cette occasion, les délégués élus dans les sections nationales se prononceront sur la transformation de la TMI en une Internationale Communiste Révolutionnaire (ICR). Dans le même temps, ils amenderont et adopteront le Manifeste de l’ICR, qui a été traduit dans 18 langues et qui est déjà diffusé aux quatre coins du monde.
Comme le souligne le Manifeste de l’ICR, « la décision de fonder une Internationale Communiste Révolutionnaire n’est pas le fruit d’une impatience ou d’un volontarisme subjectif. Elle s’enracine dans une juste appréciation de la situation objective. C’est cela – et rien d’autre – qui justifie cette décision. Elle est à la fois nécessaire et inévitable. Examinons les faits. Des sondages récents réalisés en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et ailleurs soulignent clairement que les idées du communisme progressent très vite. Le potentiel est énorme. Notre tâche est de réaliser ce potentiel en lui donnant une expression organisationnelle. »
En fondant l’ICR, notre Internationale met son nom en pleine conformité avec ce qu’elle est : une organisation indépendante qui repose sur les idées, les méthodes et le programme de Marx, Engels, Lénine et Trotsky.
La situation de l’ICR
Des esprits chagrins hausseront les épaules et demanderont : « Mais n’y a-t-il pas déjà pléthore d’internationales révolutionnaires, en ce bas monde ? Qu’est-ce que la fondation de l’ICR apportera de nouveau ? ». Répondons à cette objection.
La TMI a connu une phase de croissance inédite, ces dernières années. Mais nous n’avons pas l’intention de surestimer nos forces. L’ICR ne sera pas une organisation de masse, du moins pas dans l’immédiat. L’émergence d’une internationale communiste de masse sera précédée d’une série de bouleversements dans les grandes organisations réformistes du mouvement ouvrier, sous l’impact de la crise du capitalisme et du développement de la lutte des classes. C’est parfaitement clair à nos yeux, et nous n’allons pas suivre l’exemple des organisations sectaires, ultra-gauchistes, qui s’imaginent possible de « construire le parti » en tournant le dos aux grandes organisations des travailleurs – non sans les cribler d’insultes et d’ultimatums, au passage.
Dans son Programme de transition (1938), Léon Trotsky écrivait à ce propos : « Se préparer à la révolution signifie, pour les sectaires, se convaincre soi-même des avantages du socialisme. Ils proposent de tourner le dos aux “vieux” syndicats, c’est-à-dire à des dizaines de millions d’ouvriers organisés – comme si les masses pouvaient vivre en dehors des conditions de la lutte de classes réelle ! Ils restent indifférents à la lutte qui se déroule au sein des organisations réformistes – comme si l’on pouvait conquérir les masses sans intervenir dans cette lutte ! »
Ceci reste parfaitement valable à notre époque. Cependant, pour intervenir efficacement dans les syndicats et dans les luttes internes aux organisations réformistes, les marxistes doivent être suffisamment forts, nombreux et organisés. Or à ce jour, la grande majorité des jeunes et des travailleurs qui se considèrent comme des « communistes » sont à l’extérieur des grandes organisations du mouvement ouvrier. Cela changera à l’avenir, mais c’est ainsi aujourd’hui. C’est une conséquence de l’extrême dégénérescence des directions des syndicats et des grands partis « de gauche ». Ces directions se sont complètement adaptées au système capitaliste. Dans ce contexte, nous devons nous adresser directement, sous notre propre drapeau, à la couche croissante de jeunes et de travailleurs qui s’orientent vers les idées du communisme – et leur dire : l’ICR est votre organisation, celle qui vous permettra de lutter pour en finir avec le système capitaliste et toutes ses injustices.
La roue de l’histoire
La Tendance Marxiste Internationale n’est pas une organisation créée sur un coin de table dans un café de New York, Londres ou Paris. Elle existe depuis des décennies et s’enracine dans une longue tradition. En un sens, ses textes fondateurs sont le Manifeste du Parti Communiste de Marx et Engels, les résolutions des quatre premiers congrès de l’Internationale Communiste (avant sa dégénérescence stalinienne) et les documents du congrès fondateur de la IVe Internationale (1938), alors dirigée par Léon Trotsky.
Il est vrai que notre audience et notre influence sont limitées, à ce stade. Il faut en comprendre les raisons fondamentales. Pendant toute une période, les forces du marxisme authentique ont été marginalisées par une série de facteurs historiques. La dégénérescence stalinienne de la Révolution russe a entraîné celle de toute l’Internationale Communiste (la IIIe, fondée en 1919). Dans les Partis Communistes officiels, les idées de Marx et de Lénine ont été remplacées par la bouillie dogmatique et bureaucratique du stalinisme. Les militants communistes qui s’y opposaient ont été chassés, traqués, réprimés par les appareils staliniens. Léon Trotsky lui-même, qui a dirigé la révolution d’Octobre 1917 et créé la IIIe Internationale aux côtés de Lénine, a été assassiné en 1940 par un agent de Staline, à Mexico.
En empêchant la classe ouvrière de prendre le pouvoir, les dirigeants staliniens ont sauvé le système capitaliste à de nombreuses reprises. Ce fut la pré-condition politique de la phase d’expansion majeure du système capitaliste après la Seconde Guerre mondiale (les « Trente Glorieuses »). Cette longue phase d’expansion économique a renforcé les tendances réformistes au sein du mouvement ouvrier international, en particulier dans les pays capitalistes les plus développés.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la plupart des dirigeants officiels de la IVe Internationale, privés de l’expérience et des conseils de Trotsky, se sont avérés incapables de résister aux énormes pressions combinées du réformisme et du stalinisme. Ils répétaient les mots de Trotsky sans en comprendre la méthode. Ils ont multiplié les erreurs. Elles ont abouti à la désintégration de la IVe Internationale en une myriade d’organisations ultra-gauchistes qui, au fil des décennies, ont complètement abandonné les idées du trotskysme.
Tel fut, en résumé, le processus général qui a déterminé l’isolement des forces du marxisme authentique à l’échelle internationale. Mais la roue de l’histoire ne s’arrête jamais. La crise mondiale de 2008 a marqué un tournant majeur. Depuis, sous l’impact des politiques d’austérité, du chômage, de l’inflation, de la crise environnementale, des guerres impérialistes et de tous les maux dont le capitalisme accable les peuples du monde entier, une nouvelle génération de communistes émerge qui réclame un programme, des idées et une organisation à la hauteur de leur révolte et de leurs aspirations. L’Internationale Communiste Révolutionnaire sera précisément cette organisation, ces idées et ce programme.
Comme l’explique le Manifeste de l’ICR :
« Nous sommes entrés dans la période la plus turbulente de l’histoire moderne. La crise frappera un pays après l’autre. La classe ouvrière aura de nombreuses opportunités de prendre le pouvoir. Dans une telle situation, des changements profonds et soudains sont inévitables. Ils peuvent se produire quand on s’y attend le moins. Nous devons être prêts.
« Il n’est plus nécessaire de convaincre de larges couches de la jeunesse de la supériorité du communisme. Ils sont déjà communistes. Ils cherchent une bannière sans tache, une organisation qui ait radicalement rompu avec l’opportunisme et la modération réformiste de “la gauche”. Nous devons prendre toutes les mesures pratiques pour les trouver et les recruter. Cela implique la proclamation d’un nouveau parti et d’une nouvelle Internationale. La situation tout entière l’exige. C’est une tâche nécessaire et urgente, qui n’admet aucun retard. »
Cette tâche urgente, la TMI l’engagera officiellement, formellement, dans quelques semaines. Une nouvelle page de l’histoire de notre Internationale est en train de s’ouvrir. Mieux : un nouveau chapitre. Et le livre ne s’achèvera qu’avec la réalisation de notre objectif final : le renversement du capitalisme à l’échelle mondiale et la construction d’une société débarrassée de toutes les formes d’exploitation et d’oppression.