« Nous haïssons, oui nous haïssons tout et abolirons tout ce qui torture et opprime les femmes » (Lénine)

En tant que marxistes révolutionnaires, et comme toutes personnes sensibles à la cause des opprimées et des opprimés du monde, nous frissonnons d'un profond dégout à la simple évocation de l'affaire Pélicot. Cependant pour nous, marxistes, les causes premières de ces crimes ne résident pas en l'essence d'un mâle incarné dans, entre autres, les 51 inculpés de cette sordide affaire, mais bien en l'existence même des systèmes extrêmement liés que sont le patriarcat et le capitalisme. Ne pas comprendre cela, c'est manquer la dimension structurelle qui permet à ces crimes de proliférer dans notre société.

Des défaillances alarmantes

Cette affaire particulièrement sombre, impliquant des viols en série par soumission chimique, s'étend sur plus de dix ans et fait, à raison, l'objet d'une large couverture médiatique. Pendant toute cette période, Dominique Pélicot, le mari de la victime, a utilisé un simple site internet, où des activités illégales se déroulent depuis longtemps, pour inviter des inconnus à abuser de sa femme, rendue inconsciente par de fortes doses de médicaments. Plus de 50 hommes tout à fait lambda ont répondu favorablement, parfois à plusieurs reprises, à ses demandes.

Cette affaire est très médiatisée notamment grâce au courage sans faille des femmes de la famille Pélicot qui se sont concertées pour refuser le traditionnel huis-clos de ce type de procès, afin que la sensibilisation aux agressions sexuelles par soumission chimique gagne grandement en visibilité. Dans cette foulée salvatrice, la fondation « M'endors pas » créée par Caroline Darian, fille de la victime, aide encore un peu plus à visibiliser ce type d'agressions encore trop peu connues du grand public.

Il est difficile de dire ce qui est le plus révoltant dans cette affaire. D'une part, des dizaines d'hommes qui avaient refusé les propositions illégales de Dominique Pélicot n'ont rien dénoncé. D'autre part, certains accusés ont défendu leurs actes avec froideur, affirmant sans hésitation que le consentement était implicite du moment que le mari était présent. De plus, malgré de nombreuses consultations médicales où ont été observées de longues absences, des pertes de mémoire importantes, ainsi que plusieurs IST chez un couple prétendument monogame, aucun médecin n'a envisagé une soumission chimique, révélant ainsi les graves lacunes du système de santé capitaliste et le manque flagrant de formation des médecins sur ce sujet. Autre élément choquant, Dominique Pélicot avait été surpris par des vigiles puis interpellé par la police alors qu’il filmait sous les jupes des femmes dans un supermarché à l’aide d’un stylo caméra, mais il s'en était sorti avec une simple amende de 100 euros, sans que son matériel informatique ne soit saisi ni que sa compagne ne soit informée. Plus révoltant encore, après cette interpellation, l’ADN de Pélicot prélevé correspondait à celui retrouvé sur des traces de sang d'une jeune femme victime d'agression sexuelle en 1999, mais, à cause d'une énième erreur judiciaire, cette enquête avait abouti à un non-lieu.

Informée de ces faits seulement avant le procès, toujours en cours, après une nouvelle arrestation de son mari pour récidive dans un supermarché (où, cette fois, l'ordinateur du principal accusé a été saisi, permettant aux enquêteurs de découvrir les preuves des viols collectifs filmés et commis sur elle), Gisèle Pélicot a déclaré : « Si j’avais été au courant, peut-être que j’aurais gagné 10 ans de ma vie. [...] J'aurais été plus vigilante, j’aurais peut-être pu me dire qu’il avait besoin d’être suivi. Je trouve qu’il y a là une non-assistance à personne en danger. »

Plus jamais ça ! Mais comment ?

Des visions féministes différentes débattent sur le sujet pour tenter de mettre fin à cette spirale sexiste mortifère.

D'un côté un féminisme « punitif » ne considère comme solution qu'un durcissement des peines, une incarcération plus systématique, des modifications des lois propres à ces contextes, accompagnés d'une éducation plus féministe.

De l'autre un féminisme cherchant les causes dans l'organisation de la société elle-même.

Les revendications punitives traduisent évidemment la frustration extrêmement légitime de devoir vivre dans un système aussi défaillant. Mais pour autant, la logique répressive à maintes fois prouvé son inefficacité, particulièrement en matière de violences sexistes et sexuelles.

De plus, les logiques répressives s'alimentent les unes les autres et sont du pain béni pour une classe dirigeante qui ne jure que par l'augmentation des budgets liés à la surveillance de masse et par le renforcement des services de police à des fins de contrôle de la population, engendrant également au passage une criminalisation plus fréquentes des cibles préférées des policiers : les immigrés, les pauvres, les activistes/manifestants.

En essentialisant « l’homme » comme le « mâle incarné », cette vision concourt à l'individualisation des problèmes de société permettant à l'Etat bourgeois de justifier ses méthodes au faciès tout en faisant oublier ses propres manquements permanents dans bien d'autres cas.

Un début de solution

La conception marxiste de l'origine de l'oppression des femmes permet de trouver des solutions plus efficaces sur le long terme.

Dans les sociétés extrêmement inégalitaires de classe telle que l'est la société capitaliste, une écrasante majorité de femmes a subi des violences d'ordre sexiste au cours de sa vie. La plupart du temps les agresseurs sont des proches de la victime, reléguant les discours nauséabonds de la droite et l'extrême droite sur le migrant violeur au rang de mensonge de plus. La persistance de ces violences réside dans l'entretien des rapports patriarcaux au sein de la famille traditionnelle et de la société telle qu'elle est préconisée par la bourgeoisie depuis son avènement au 18/19ème siècle un peu partout dans le monde.

Dans une société où l'argent s'est érigé en maître absolu, la prostitution a explosé, affectant principalement les femmes et les plus pauvres. Cela a intensifié la marchandisation et l'objectification des corps féminins, renforcées non seulement par la publicité (parfois en promouvant la culture du viol), mais surtout par la pornographie, désormais omniprésente et banalisée au possible, ancrant, dès le plus jeune âge, des conceptions violentes envers les femmes du rapport sexuel.

Seul le renversement de ce système et de ses institutions permettra aux travailleuses et travailleurs de mettre la main sur les immenses profits générés par l'industrie, qu’elle soit pornographique ou autre, pour les investir dans une nouvelle société qui se donnera les moyens de lutter correctement contre toute forme d'oppression et contre les violences faites aux femmes. Par l'éducation à la vie relationnelle, sexuelle et affective à l'école, par l'apprentissage de la détection du consentement, par la mise en place d'un système socialiste qui collectivisera les tâches domestiques, construira en suffisance logements, crèches, cantines collectives et autres nécessités qui sortiront les femmes de l'emprise patriarcale entretenue dans le seul but de les maintenir dans la dépendance de leur foyer et l’exploitation.

De nouvelles conditions matérielles contribueront certainement à atteindre ces objectifs. Mais les idéologies réactionnaires peuvent survivre longtemps après la disparition de leur base matérielle. Même si la lutte pour le socialisme, en ce qu’elle considère chaque camarade d’égale à égal dans le feu de l’action, aidera déjà grandement à réduire fortement préjugés et inégalités, le combat pour l’égalité de genre et contre ces violences continuera encore et encore, tant qu’il le faudra !

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