[Edito de notre journal de novembre]
La grande année électorale est terminée. Les résultats sont connus tant au niveau fédéral qu'au niveau des régions, des communes et des provinces. D'une manière générale, on peut conclure que la droite est en tête. Même les élections locales n'ont pas pu inverser cette tendance, ou seulement partiellement. En région wallonne et en région Wallonie-Bruxelles, un gouvernement de droite homogène a déjà été formé. La région flamande aura un gouvernement composé de la N-VA, de Vooruit et du CD&V. Au niveau fédéral, un gouvernement composé de la N-VA, du Vooruit, du MR et des Engagés semble inévitable. Seul le gouvernement régional bruxellois reste en suspens.
Les partis sociaux-démocrates ont obtenu des résultats divergents dans les différentes régions du pays. Le PS conserve néanmoins le contrôle des grandes villes telles que Charleroi, Liège et Mons. Au niveau provincial, il est évincé par les partis de droite. Contrairement au passé, la défaite fédérale du PS en Wallonie n'a pas toujours profité au PTB, qui a progressé moins fortement cette fois-ci. En Flandre, en revanche, Vooruit a légèrement progressé à toutes les élections et le PTB a fait de même, parfois de manière spectaculaire.
Du côté francophone et flamand, les accords de gouvernement sont connus. Celui de la région Wallonie-Bruxelles est une attaque en règle contre le mouvement syndical. Il suffit d'oser « résoudre » la pénurie d'enseignants en les faisant travailler plus longtemps. Par exemple, les professeurs débutants devraient travailler deux heures de plus pour le même salaire, tout comme les professeurs de gymnastique. Ils veulent également abolir la nomination. La première cible du gouvernement wallon, ce sont les communes. Il coupe 30 millions d’euros via la baisse de l'indexation du Fonds des communes et la fin de l'indexation des emplois. Ensuite il réduit de 8 millions l’aide aux intercommunales. Les services publics sont mis au régime sec : non-remplacement des départs à la retraite, pas de prolongation pour les CDD et limitation des embauches.
À première vue, l'accord du gouvernement flamand semble plus sympathique. Est-il vrai, comme l'affirme Vooruit par la voix de Conner Rousseau, que nous aurons une « Flandre meilleure et plus sociale » ? Certes, il promet un investissement considérable d'un milliard dans les soins et 10 000 nouvelles places de crèche. Mais il n'y a pas un mot sur les conditions de travail dans le secteur. Pourtant, tout le monde sait que c'est précisément l'abandon et l'épuisement des personnes qui s'occupent des enfants qui sont l'une des raisons fondamentales de l'ampleur des listes d'attente. Rien n'est fait non plus pour remédier au grand nombre d'enfants par accueillant (jusqu'à 9).
Il n'est donc pas difficile de prédire que remplir ces dix mille nouvelles places deviendra une tâche plutôt impossible pour le ministre en charge, Genez. Il en va de même pour le volet relatif aux transports publics. Pour De Lijn, le texte prévoit « des investissements substantiels dans les trams et les bus » et « l'écologisation et la modernisation de la flotte ». Mais les chiffres manquent.
On pourrait conclure de ce qui précède que la situation est désespérée pour les travailleurs, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Les nouveaux gouvernements ne seront qu'un facteur dans la lutte des classes qui sera inévitable dans les années à venir. Classes au pluriel, bien sûr, car les gouvernements de droite ne seront pas nos seuls adversaires. Il y a aussi le grand capital, l'UE (qui nous impose 27 milliards de coupes), l'OTAN qui veut intensifier la course aux armements...
Mais cela ne signifie pas du tout que la classe ouvrière est sans défense. L'histoire du précédent gouvernement fédéral homogène de droite, celui de Louis Michel, est un bon exemple de ce qui est possible dans une telle situation ET des erreurs à éviter. Il a fallu moins d'un mois pour que le gouvernement de droite soit confronté au mouvement ouvrier : d'abord par une manifestation de 120 000 personnes et peu après par une grève générale. Après la formation du gouvernement Michel, le 11 octobre 2014, le dernier trimestre de cette année a compté pas moins de 740 000 jours de grève. Certains capitalistes étaient même prêts à lâcher « leur » gouvernement pour arrêter ce mouvement. Rien ne dit qu'une telle chose est impossible aujourd'hui. La classe ouvrière belge ne nous a jamais déçus face à la droite.
Mais l'histoire ne se répète jamais tout à fait de la même manière. Le gouvernement Michel a été trop confiant dans sa tentative à mettre les syndicats sur la touche. Il n'a pu survivre que lorsqu'il a réussi à coller les dirigeants syndicaux à des mois de négociations, qui n'ont finalement rien donné ou presque pour les syndicats. Le gouvernement fédéral qui se prépare semble adopter une approche plus intelligente. Il présente ses projets de manière plus amicale (et plus hypocrite), et Bouchez, en particulier, a déjà contacté directement les directions syndicales. Mais ne nous y trompons pas, la même chose nous attend : une offensive de la droite dure visant à supprimer tous les acquis du mouvement syndical. Mais c'est un combat que nous pouvons certainement gagner si nous nous mobilisons tous ET si nous gardons le contrôle de la direction du mouvement en imposant la démocratie syndicale. La plus grande unité possible du mouvement syndical au-delà des frontières linguistiques est également essentielle à cette fin.