Mercredi dernier, l’Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU), parti de de droite dirigé par Friedrich Merz a fait tomber le ‘cordon sanitaire’ symbolique qui était censé empêcher la collaboration avec le parti réactionnaire l'Alternative pour l'Allemagne (AfD). La CDU a proposé un projet de loi raciste sur l’asile, en sachant pertinemment qu'il obtiendrait une majorité si l’AfD votait en sa faveur. C'est la première fois que l’AfD parvient à influencer une décision politique majeure au Parlement. Avec les voix du parti libéral (FDP), le projet de loi a été adopté.

(Publié à l'origine en allemand sur derkommunist.de le 5 février)

Les migrants comme boucs émissaires

Friedrich Merz est un représentant de longue date du capital et sait donc très bien que ni les réfugiés ni les bénéficiaires de prestations sociales ne sont responsables de la misère qui règne en Allemagne.

Les capitalistes sont responsables de l'inflation, de la désindustrialisation et de l'effondrement des infrastructures. Depuis des décennies, les grandes entreprises refusent d’investir dans des installations de production modernes (sans parler des infrastructures), alors même qu'elles disposent des liquidités nécessaires, notamment grâce aux subventions d’État. Mais au lieu d’investir cet argent de manière productive, elles préfèrent le distribuer sous forme de dividendes à leurs actionnaires.

Par conséquent, l’industrie allemande n’est plus compétitive à l’échelle internationale. Tant que le gaz russe bon marché arrivait encore, les prix des produits industriels allemands pouvaient encore, dans une certaine mesure, concurrencer la compétition. Mais avec la décision de soutenir l’impérialisme américain dans la guerre en Ukraine, la classe dirigeante allemande s'est tirée une balle dans le pied, car le gaz russe a cessé de circuler – en particulier après que les Américains ont fait exploser Nord Stream 2. Cela a entraîné une baisse de 20 % de la production industrielle en Allemagne ces deux dernières années.

Les politiques qui ont rendu cela possible ont été largement soutenues par la CDU, ainsi que par les autres partis établis. Merz et la CDU attisent maintenant le dégoûtant débat sur l’asile pour détourner l’attention de leur propre complicité dans cette misère et pour gagner les prochaines élections. Ils ne reculent pas devant la coopération avec l’AfD, un parti qui a été à l'avant-garde de nombreuses politiques réactionnaires, y compris des attaques contre les demandeurs d’asile, les femmes et les personnes LGBT.

Comment arrêter l’AfD ?

Mercredi dernier a montré à quel point on ne peut pas compter sur les partis ‘démocratiques’ pour combattre l’AfD. Alors que l’AfD rêve de déporter des migrants, la CDU, le FDP, les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts le font concrètement, tout comme le parti de gauche Die Linke dans les États où il gouverne dans des coalitions locales.

Ce débat migratoire immonde et raciste a aussi été alimenté par le SPD et les Verts. À l'automne 2023, par exemple, le leader du SPD, Olaf Scholz, déclarait : « nous devons enfin commencer les expulsions à grande échelle », pour ensuite s’indigner des ‘plans de remigration’ de l’AfD quelques mois plus tard. Lors du récent débat parlementaire, le SPD s’est plaint que la CDU n’ait pas travaillé avec lui sur leur loi sur l’asile. Il serait pourtant tout à fait disposé à soutenir des restrictions racistes aux lois sur l’asile, tout comme l’AfD. La critique du SPD à l’encontre du racisme de l’AfD ne doit donc pas être prise au sérieux.

Le SPD et les Verts alimentent ce débat hypocrite sur l’asile, car eux aussi ont soutenu les politiques des dernières années qui ont mené l’Allemagne dans la crise actuelle et cherchent maintenant à détourner l'attention.

Le vote sur une loi ‘contre l’antisémitisme’ le même jour montre que le prétendu ‘cordon sanitaire’ n’est rien de plus qu’une phrase creuse pour le SPD, les Verts et Die Linke. Cette nouvelle loi oblige les écoles et universités à prendre des mesures contre ‘l’antisémitisme’ en utilisant les moyens juridiques les plus sévères à leur disposition. Il s’agit d’une couverture cynique pour une répression brutale contre les étudiants solidaires de la Palestine et d’une attaque flagrante contre les droits démocratiques.

La loi a été adoptée avec les voix du SPD, des Verts, de la CDU, du FDP et de l’AfD, tandis que Die Linke s'est honteusement abstenue. Lors du premier vote sur une  ‘résolution contre l’antisémitisme’ à l’automne dernier, Beatrix von Storch (AfD) avait déjà remercié les Verts d’avoir enfin reconnu que l’antisémitisme serait soi-disant importé par les migrants musulmans.

En protégeant les profits des capitalistes et en faisant payer la crise aux masses, les partis établis – y compris le SPD, les Verts et même Die Linke au niveau des États – ont préparé le terrain pour la montée de l’AfD. L’AfD ne devient une vraie force politique que parce qu’elle capte la colère justifiée d’une partie de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie contre la classe dirigeante, tout en la détournant vers des idées réactionnaires grâce à sa démagogie raciste et misogyne.

L'AfD peut se présenter à ses électeurs comme la ‘voix de la vérité’ parce qu'elle attaque l'hypocrisie de la gauche libérale. Tandis que les Verts précipitent les femmes dans la pauvreté avec leurs coupes budgétaires, ils donnent en même temps des leçons de grammaire à la classe ouvrière à propos du langage neutre (inclusif). Tandis que le SPD, les Verts et le Parti de gauche invoquent la mémoire d'Auschwitz, ils l'exploitent pour soutenir le génocide d'Israël contre les Palestiniens. Il est tout à fait compréhensible que beaucoup soient dégoûtés par cette hypocrisie.

L'Alliance Sahra Wagenknecht peut également capter la colère légitime contre l'establishment libéral. Mais avec sa position raciste sur les demandeurs d'asile, elle contribue à dissimuler les véritables causes de la crise et du déclin du pays, soutenant ainsi en réalité le système capitaliste.

Dans tout cela, Die Linke et les dirigeants syndicaux réformistes portent la plus grande responsabilité dans la montée de l'AfD. Au lieu d'organiser la lutte contre la désindustrialisation, l'inflation et la guerre, ils soutiennent la politique du gouvernement et s'accrochent au statu quo.

Heidi Reichinnek (présidente du groupe parlementaire du parti de gauche Die Linke) s'est plainte au parlement que la CDU ait parlé à l'AfD mais pas à son parti. Elle a ensuite implicitement appelé au réarmement de la police à la suite des récentes attaques au couteau à Magdeburg et à Aschaffenburg.

Au lieu de proposer une alternative radicale, Die Linke s'est accroché à l'establishment et est désormais perçu par beaucoup comme en faisant partie. Par conséquent, l'AfD reste la seule force qui donne une voix à la colère contre cet establishment.

Le ‘cordon sanitaire’ se situe entre les classes !

Nous devons maintenant descendre massivement dans la rue pour nous opposer à l’AfD et à l’agitation raciste de Merz. Mais les manifestations seules ne suffisent pas. Les manifestations massives du début de l'année dernière n’ont pas empêché les succès électoraux de l’AfD aux élections européennes et aux élections régionales à l’Est. La raison en est que ces manifestations étaient dirigées par la classe dirigeante elle-même. Des représentants de l'establishment, comme Olaf Scholz (SPD), Annalena Baerbock (Verts) ou le président de la Banque fédérale, ont pris la parole lors de ces événements ou les ont soutenus. Des centaines de grandes entreprises allemandes ont signé un appel à ne pas voter pour l’AfD.

Pour combattre l’AfD, nous devons nous attaquer aux causes de la crise capitaliste : le capitalisme lui-même et la classe capitaliste allemande !

Cela n'est pas possible à travers les partis dits ‘démocratiques’, qui, en réalité, ne défendent pas la volonté des masses mais celle des capitalistes. Ils versent des larmes de crocodile sur le racisme de l’AfD tout en menant eux-mêmes une politique raciste en matière d’asile.

Le combat contre l’AfD ne peut être gagné que par des grèves militantes et une mobilisation totale des syndicats.

Mais surtout, nous avons besoin d'une véritable alternative au déclin capitaliste. Nous devons être prêts à organiser la lutte contre la classe dirigeante et à défendre réellement les intérêts de la masse de la population : la classe travailleuse ! C'est pourquoi nous avons fondé le Parti communiste révolutionnaire (RKP) en Allemagne.

En réalité, le ‘cordon sanitaire’ ne sépare pas les partis ‘démocratiques’ et l’AfD, comme le prétend Heidi Reichinneck et Die Linke. Le véritable 'mur de protection' sépare les intérêts de la bourgeoisie de ceux du prolétariat.

 

Les réfugiés restent ! Que les capitalistes paient !

Les syndicats doivent lancer une offensive contre la désindustrialisation, l'inflation et la guerre !

Construisons le RKP !

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