Cora, une enseigne d'hypermarchés créée en 1974 en France, ferme ses portes en Belgique en mettant à la rue 1800 travailleurs. Cora est la propriété du groupe de distribution Louis Delhaize, qui compte 7 magasins en Belgique. Il y a deux ans déjà, Delhaize franchisait la plupart de ses magasins découlant sur un nombre élevé de fermetures.
Un peu d’histoire
La société Cora, créée par la famille Bouriez, ouvrit son premier hypermarché sous franchise Carrefour à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise) en 1969, et développa son réseau de points de vente dans le nord de la France et en Belgique au début des années 1970. Cora devint une enseigne indépendante à la fin de son contrat de franchise avec Carrefour en 1974. Elle était présente en France depuis ses débuts jusqu'au rachat des activités françaises du groupe Louis Delhaize, en juillet 2024, par le groupe Carrefour. Toutefois, Cora Belgique reste “indépendante” bien que ses principaux actionnaires soient les propriétaires de Louis Delhaize.
Les 60 magasins Cora français sont passés sous l'enseigne Carrefour en 2024 et ont finalement disparu, absorbés par Carrefour le 19 novembre 2024. La même année, le groupe Louis Delhaize avait déjà cédé ses deux magasins Cora luxembourgeois au groupe français E. Leclerc. L'enseigne avait également possédé des magasins en Roumanie et en Hongrie par le passé, mais ceux-ci ont été vendus. Les syndicats belges s’attendaient alors à « des nouvelles » concernant l'avenir de Cora mais pas à sa fermeture. On se demande à quoi ils s’attendaient après ce qu’ont vécu en 2023 les delhaiziens...
À noter aussi qu’en 2021, les Pandora Papers révélaient que la famille Bouriez, milliardaire propriétaire de CORA et du groupe Louis Delhaize, planquait des centaines de millions d’euros via un trust (le Phoenix trust) en Nouvelle-Zélande, via un montage opaque pour échapper à l’impôt et aux droits de succession.
Les faits
Le 8 avril 2025, Cora a annoncé sa volonté de fermer ses sept magasins belges début 2026, mettant ainsi 1 779 employés à la porte.
Selon la CNE : “Les travailleurs sont sous le choc, d’autant qu’ils avaient fait de nombreux efforts durant les trois plans de redressement préalables (2014, 2017 et 2023)”. Encore d’après le syndicat vert : « Ils s’attendaient à une reprise par une autre enseigne, un rachat de la marque ou une réduction de la taille des hypermarchés, mais pas à une fermeture. »
Le désespoir des travailleurs est compréhensible, au vu de la dégradation économique et des mesures de l’Arizona qui attaquent les travailleurs. Le SETCa précise que la moitié des salariés Cora ont plus de 20 ans d’ancienneté et que 61 % d’entre eux sont âgés de plus de 45 ans. Avec l’arrêt des prépensions sous ce gouvernement et la limitation du chômage à 2 ans, les employés de Cora sont frappés une deuxième fois.
Face à ces fermetures, parmi les 10 plus grands licenciements collectifs depuis 2010, les syndicats se trouvent dans une position défensive. Aussi bien le Setca que la CNE se limitent à vouloir limiter la casse avec la procédure Renault et des demandes de primes de départ. Dans ce contexte de la restructuration brutale du secteur de la grande distribution et de la concurrence exacerbée entre enseignes, un plan de riposte offensif et toutes enseignes confondues s’impose.
Pour les syndicats, la fermeture a été liée à l’échec des différents plans commerciaux de la direction. Pour l’entreprise, c'est la faute aux... syndicats ! Par le biais de la problématique de la concurrence entre les différentes commissions paritaires du secteur. Évidemment pour Cora, il aurait été préférable de ne pas avoir commission paritaire du tout !
Eviter les fermetures : c'est possible !
Il y a deux ans nous écrivions : « Si Delhaize n’est pas la première chaîne à subir cette politique de franchisation (souvenons-nous de ce que fait le groupe Carrefour avec ses magasins Mestdagh), il y a de fortes chances pour ce que ce ne soit pas non plus la dernière ! Puisque les autres grands groupes accusent déjà Delhaize de concurrence déloyale et pourraient certainement lui emboîter le pas en cas de victoire des patrons et actionnaires de Delhaize… Ainsi, c’est l’ensemble du secteur qui est concerné et qui pourrait (et devrait) donc se mobiliser pour rejoindre ce mouvement de grève et de protestation. Les travailleurs n’ont rien à perdre de plus de ce qu’on leur enlève déjà ! Au contraire, ils ont un monde à gagner ! »
On peut remplacer Delhaize par Cora, sachant qu’ici on parle de fermeture, car les franchises des grandes surfaces comme Cora sont plus compliquées, mais la question centrale est la même. La grande distribution devrait être planifiée en fonction des besoins de la population, et non pour enrichir les capitalistes. Selon nous, les directions politiques et syndicales du mouvement ouvrier devraient revendiquer la nationalisation de Cora – et de l’ensemble du secteur de la grande distribution – sous le contrôle démocratique des travailleurs, qui produisent toutes les richesses. Les grands actionnaires doivent être expropriés, sans compensation financière : ils se sont bien assez payés sur la bête. C’est la seule façon réaliste d’en finir définitivement avec les licenciements et les fermetures qui frappent de plein fouet les travailleurs du commerce. Cora, Match, Delhaize, Carrefour... même système : les profits au paradis fiscal, les pertes pour les travailleurs.