La santé mentale de la population se dégrade depuis des années. La raison généralement mise en avant pour expliquer cette évolution est la progression de la solitude : en Belgique, la moitié des gens en souffrirait. Des études montrent que la solitude est aussi mauvaise pour la santé que de fumer 15 cigarettes par jour : elle augmente le risque de maladie cardiaque de 30 % et de démence de 60 %. C'est donc tout sauf un problème mineur.
Mais il est réducteur de voir la solitude comme seule source de dégradation de la santé mentale. D'autres troubles mentaux, tels que la dépression et l'anxiété, sont également de plus en plus répandus. Ce n'est évidemment pas un hasard si, pendant et après la crise de 2008, le taux de personnes souffrant de ces troubles a augmenté, et ce jusqu'en 2013. Il s’est ensuite stabilisé jusqu'en 2018 ; depuis lors, d'autres types de questions ont également été posées lors des enquêtes menées pour cerner les troubles présents, ce qui rend la comparaison plus difficile. Nous voyons déjà ici apparaître la principale cause de cette augmentation : l'économie. Les études successives montrent que la pauvreté est l'une des principales causes des troubles mentaux.
Une crise aggravée
Depuis le déclenchement de la pandémie de coronavirus, et surtout avec les confinements, ces chiffres ont augmenté très rapidement. Sciensano a réalisé une enquête sur les sentiments dépressifs de la population entre le 2 et le 9 avril 2020, un peu moins d'un mois après le début de la première quarantaine. Les résultats montrent que les taux de personnes souffrant de troubles mentaux ont augmenté dans toutes les catégories d’âge, mais, surtout, ils ont plus que triplé chez les jeunes entre 16 et 24 ans ! En termes absolus, cela représente environ 30 % de toute cette tranche d’âge, et environ 20% de toutes les autres. Aucun chiffre n’est encore disponible sur les effets du deuxième confinement, mais les interviews de psychologues réalisées par la VRT (télévision publique flamande) début décembre montrent que les jeunes recherchent plus qu’avant une aide professionnelle. Sur un faible échantillon, environ 60 % des psychologues parlent d'une augmentation du nombre de jeunes parmi leurs clients, et 75 % d'entre eux affirment que cette augmentation représente au moins un doublement. Les universités ont également mené des recherches sur le bien-être mental de leurs étudiants. À l'université de Gand, la moitié des étudiants ont déclaré qu'ils se sentaient anxieux, et un sur cinq déprimé.
Les étudiants les plus touchés
Il n'est pas surprenant que le bien-être mental des étudiants se détériore plus que celui du reste de la population. La grande majorité des étudiants qui travaillent ont perdu leur emploi pendant la pandémie, ce qui, pour beaucoup, leur a fait perdre leur unique source de revenus (et les moyens de payer leurs frais d'inscription et leur loyer). Ils doivent également s'adapter à une toute nouvelle forme d'enseignement, ne recevant pratiquement aucun soutien des universités et des écoles supérieures. Enfin, ils sont confrontés à un dilemme : soit ils restent dans leurs kots, souvent dans de petites pièces où ils n'ont pas beaucoup de contacts avec les autres et se sentent encore plus seuls, soit ils retournent dans leur famille. En famille, il y a certes plus de contact social mais cela se fait au détriment de la qualité de l’environnement d'étude. En général, les contacts sociaux ont été pratiquement anéantis pour les étudiants. Alors que d'autres ont encore des contacts réguliers sur le lieu de travail, l'étudiant universitaire ou du supérieur n'a même plus de cours en présentiel.
Cause et solution
La cause immédiate du stress supplémentaire, de la dépression et de l'anxiété des étudiants est donc la solitude. Et bien qu'il ne faille pas sous-estimer cela, il y a un problème encore plus important : la crise économique. Il faudrait donc trouver un moyen pour garantir un revenu pour les étudiants. L’introduction d’un salaire étudiant est une solution. Une autre source majeure de stress est la pression pour étudier, qui a fortement augmenté en partie à cause de la nouvelle forme d’enseignement. Les directions universitaires mettent beaucoup l’accent sur le ‘self care’ et d’autres mesures palliatives de soins personnels. Selon nous, la meilleure façon de s'attaquer à ce problème est de garantir la progression des études en restituant les crédits d'études et en renonçant à des conditions contraignantes. Pour les étudiants de première année, il est important de pouvoir reprendre les cours en présentiel et d'utiliser à nouveau les plus grandes salles de classe pour les cours, en tenant compte des mesures sanitaires. Pour lutter contre la solitude, il n’y pas une unique solution, mais il ne fait aucun doute qu’augmenter les budgets de la culture et du sport pourrait alléger la situation.
Bien sûr, ce ne sont là que des solutions temporaires. Dans des périodes de crise comme celle-ci, la classe dirigeante refusera non seulement de mettre en œuvre de telles mesures, mais elle réduira encore davantage les budgets et exacerbera les causes des problèmes. Il suffit de voir les coupes qui ont été faites dans le secteur culturel ces dernières années, sans parler des coupes dans les soins de santé. Ainsi, la seule garantie pour résoudre la crise de la santé mentale réside dans la transition vers un système socialiste, sans crise capitaliste et sans austérité !