Et si la musique parlait aussi de politique?
Le hip hop est un mouvement culturel qui nait dans les quartiers new-yorkais au début des années 70’ et prône une élévation des mentalités. Il s’exprime sous différentes formes comme la danse (breakdance), l’emceeing (rap), le deejaying et le graffiti. Cet objectif d’élévation s’est souvent retranscrit simultanément dans des logiques artistique et politique, la première proposant ses services à la seconde.
Afrika Bambaataa, fondateur de ce mouvement, en a clairement posé les bases avec le slogan de la Zulu Nation, organisation garante de la culture hip hop : « peace, love, unity and having fun »[1]. Revendiquées par une importante partie de la communauté afro-américaine, ces valeurs ont rapidement eu un impact politique visant à la défense de cette même communauté : que ce soit en son sein avec la lutte contre les gangs, ou envers la législation américaine en combattant toute forme de ségrégation sociale. L’engagement social et politique est inhérent au hip hop. Etant l’héritière direct de mouvement politique comme le Black Panthers Party et musicaux comme le blues et le jazz, la culture hip hop sert de vecteur d’idées à travers le monde autant sur les plans culturel que social ou politique.
De grandes icônes du milieu hip hop new-yorkais comme le groupe Public Enemy ou encore KRS-One ont menés de nombreuses campagnes contre la criminalité, la drogue ou encore contre l’idée même de soumission à une autorité. Chuck D, rappeur principal de Public Enemy scandant « Fight the power » dans un titre de 1989 en est un exemple éloquent ; autant que le morceau Sound of da police de KRS-One, dans lequel le rappeur critique les excès policiers et les effets pervers que cette politique répressive engendre. La lutte politique et sociale du hip hop s’attaque à toutes les formes d’oppression ou d’injustice : aux Etats-Unis et en Europe, elle se bat pour un recul du racisme, des inégalités ou encore contre l’austérité ; en Palestine et en Israël[2], contre la politique d’écrasement de la population palestinienne ; etc.
La liberté d’expression est une donnée essentielle dans la culture hip hop, elle se développe dans tous ses aspects, entre autre par le graffiti. Cet art permet de traduire par l’image ce que le rap permet par la parole, les démarches de diffusions d’idées analogues sont donc fortement présentes : que ce soit par un message scriptural, par la représentation d’une figure emblématique du mouvement hip hop ou d’un personnage défenseur d’idéaux[3]. Par le graffiti, les artistes « débordent » souvent sur l’espace privé, certaines fois par simple volonté artistique ou pratique, d’autres fois, les supports sont choisis comme symboles[4]. Dans tous les cas, le tagueur s’expose et risque des poursuites, il propose donc toujours une forme d’incivilité (positive ou négative) qui est en soit un acte politique.
Le hip hop a toujours eu une portée socio-politique (réfléchie ou pas), il tend souvent vers une remise en question d’un ordre, et cela par le biais de ses différentes disciplines. Les réponses à ces nombreuses formes d’engagements ont toujours été diverses : en Belgique, les pouvoirs publics n’ont jamais soutenus massivement cette culture urbaine[5] ; en France, de nombreux rappeurs[6] ont été poursuivis en justice à cause de leur musique ; etc. Dernièrement encore, le rappeur grec Pavlos Fyssas a été assassiné pour son engagement politique. Cette culture, vieille de 40 ans déjà, continue d’évoluer, de se battre pour ses nombreux idéaux et permet réellement une avancée tant artistique que politique et sociale partout où elle s’implante.
[1] La charte de la Zulu Nation : http://www.zulunation.com/beliefs.html
[2] Le groupe palestinien DAM et le rappeur israélien Sagol 59 en sont de bons exemples.
[3] Aux Etats-Unis particulièrement, la représentation de Martin Luther King ou de Malcolm X est fréquente.
[4] Les fresques et graffitis recouvrant le Mur de Berlin par exemple.
[5] L’exemple du festival verviétois Fiestacity (ville où le mouvement hip hop est particulièrement actif), où la ville a tantôt promis une scène à différents groupes de rap, tantôt complètement ignoré les suggestions des acteurs de la scène hip hop verviétoise.
[6] Les membres de La Rumeur, Youssoupha, …