Qu’y a-t-il dans la loi climat telle que proposée à la Chambre ? L’inscription d’objectifs de court terme et de long terme, ainsi que la création de nouvelles institutions (une agence interfédérale pour le climat, un comité permanent d’experts).
Concernant les objectifs de court terme : pour atteindre, en 2030, une réduction de 55 % des gaz à effet de serre (soit dit en passant, le PTB propose plutôt 65 % pour être en accord avec les recommandations du GIEC), la loi prévoit 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute et 32,5 % d’efficacité énergétique.
Ces objectifs sont supérieurs à ceux demandés par l’UE dans le cadre du paquet énergie climat de 2030, et dépassent également ceux du « Plan National Energie Climat » belge, qui en est la déclinaison pratique et devra être modifié en cas d’adoption de la loi spéciale sur le climat.
C’est vrai : ne pas avoir d’objectif ambitieux est suicidaire, mais cela reflète tout simplement l’incapacité structurelle du système capitaliste à prendre en compte les dégradations environnementales.
Avoir des objectifs ambitieux, c’est un peu comme promettre un sparadrap à un boxeur alors que l’adversaire lui tape toujours dessus. Il faut le dire vraiment clairement pour ne pas doucher les espoirs de tout participant au mouvement climatique : cette loi n’est absolument pas une finalité, ni même la garantie d’une avancée.
Premièrement, à l’opposé de ce qu’a pu déclarer un responsable du CNCD lors de l’action de dimanche, ce n’est pas parce qu’une loi existe qu’il est « difficile de la changer ».
On ne compte plus le nombre de lois, en Belgique et ailleurs, qui ont été changées, a posteriori, par les gouvernements ou qui n’ont tout simplement pas été appliquées : l’objectif français de réduction du nucléaire inscrit dans une loi en 2012 a été rejeté par le ministre d’un nouveau gouvernement. Si jamais le gouvernement belge rate son objectif de 2030, sera t-on content parce qu’on pourra lui intenter un procès ?
Deuxièmement, il est absolument évident que la partie la plus compliquée réside dans la mise en œuvre : l’objectif actuel de développement des renouvelables dans la consommation finale d’énergie est de 13 % pour 2020, la Belgique en est à … 9 %. Qu’est ce qui permettra d’atteindre les objectifs de la loi spéciale ? Quels financements, quels leviers d’action alors que les secteurs les plus polluants sont privés (ou ont été privatisés) ?
Troisièmement, en adoptant totalement les mécanismes européens, cette loi accepte tous les mécanismes de marché inefficaces au niveau international (quotas d’émissions de CO2) et qui nient la justice climatique entre pays du Nord et du Sud ; elle rejoint également toutes les politiques d’austérité soutenues par l’UE.
Enfin, la loi est remplie de principes contradictoires : comment la « justice sociale », ou encore une « politique climatique [qui] doit être socialement équitable, promouvoir la biodiversité, lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités » pourraient elles être atteintes tout en étant « économiquement efficiente[s] » et en favorisant le « dialogue multiniveaux [avec] le grand public, les pouvoirs locaux, les organisations de la société civile, le monde des entreprises, les investisseurs » ? Les investisseurs – qui lobbyent en même temps au niveau européen pour des objectifs environnementaux faibles1 – auraient-ils soudainement intérêt à investir dans un réseau de transport efficace, sûr et gratuit ? Ou dans le développement de sources d’énergie qui font baisser le prix de l’électricité et ne sont pas rentables ? Ceux qui soutiennent la loi estiment-ils que des entreprises qui ont déjà licencié plus de 2000 personnes en janvier 2019 vont maintenant « lutter contre la pauvreté » ?
Les demandes portées dans les dernières manifestations sont confuses ; une opportunité s’est donc présentée pour des partis politiques et des ONG pour pousser des demandes telles que l’adoption de la loi climat. Cette loi est importante mais elle ne peut pas être l’horizon du mouvement pour le climat !
Pousser les gens qui scandent « climate justice » à dire plutôt « climate law », c’est se moquer d’eux, nier leur radicalité. On ne peut rien attendre d’un gouvernement qui a, entre autres, détruit le rail et prolongé les autorisations d’utilisation des néonicotinoïdes ; et aucune loi poussée par les gouvernements actuels et respectant les institutions actuelles ne peut changer le système capitaliste, qui, pour l’instant, est le responsable principal des destructions environnementales et humaines.