Entretien avec un jeune actif dans les mobilisations lycéennes pour le climat.
Révolution : Peux-tu brièvement te présenter et expliquer comment et pourquoi tu t’es impliqué dans les grèves pour le climat ?
Matthis : Je m’appelle Matthis Dartevelle, j’ai 18 ans, et je viens de finir mes études secondaires à Bruxelles. J’ai participé à plusieurs reprises aux grèves et manifestations pour le climat, menées par les jeunes. Je me suis impliqué dans les grèves parce que je pense qu’aujourd’hui on doit lutter pour les questions environnementales. Ce n’est pas un problème que l’on peut pousser à dans 5 ou 10 ans, nos conditions de vie en dépendent.
Révolution : A ton avis, quelles étaient les forces et les faiblesses du mouvement ?
Matthis : Je pense que le principal atout de ce mouvement est son nombre et la participation de nombreuses personnes qui n’avaient jamais manifesté ou participé à des luttes. Le fait que le mouvement soit présent à un niveau national, et même international, est un aussi une grande force.
Pour ce qui est des faiblesses du mouvement : tout d’abord, l’absence de structures démocratiques au sein du mouvement ne lui permet pas d’avancer dans la lutte et d’avoir un programme et une direction politique claire. Je pense que nous devons nous organiser dans nos écoles et puis à un niveau national de manière démocratique ; en élisant des représentants qui ont des rôles et missions définies préalablement. On éviterait ainsi d’avoir des représentants informels, non-élus qui représentent et donnent la direction que doit prendre le mouvement. Comme c’est le cas aujourd’hui. Ensuite, je pense que le mouvement doit prendre une direction anticapitaliste. En effet, l’anticapitalisme me paraît être aujourd’hui la solution la plus réaliste au dérèglement climatique. Quand on sait, par exemple, que 70% des émissions de gaz à effet de serre viennent des 100 plus grosses entreprises mondiales, on comprend que pour lutter contre le réchauffement climatique, on doit avoir un réel contrôle sur notre industrie et planifier démocratiquement la production. Suite à l’adoption de ce programme anticapitaliste, un abandon de l’opposition stérile jeune-vieux et une alliance entre la jeunesse et les travailleurs me paraît couler de source.
Révolution : Qu’est-ce que ces luttes ont apporté ?
Matthis : Premièrement, elles ont apporté une prise générale de conscience de plus en plus « politisée » au sein de la jeunesse. Les jeunes ont aussi, par ces luttes, mis une pression sur tout le reste de la société. Tout le monde est obligé de se positionner (même si parfois, c’est hypocrite) et la question climatique est en tête de l’agenda politique. Le fait que le gouvernement flamand ait été contraint d’investir dans les mesures climatiques une somme de 75 millions d’euros en est un bon exemple.
Au total, ça peut paraître peu, mais je pense qui si le mouvement continue, les quelques mois qu’on a déjà passés à lutter peuvent encore apporter beaucoup.
Révolution : Comment vois-tu la rentrée ?
Matthis : Suite à l’été qu’on a vécu - la canicule avec les températures les plus hautes jamais enregistrées en Belgique, l’annonce qu’il ne restait que 18 mois pour mettre en place un réel changement (que cette information soit à relativiser ou non) et les incendies en Amazonie et partout dans le monde - , je pense que le mouvement va reprendre rapidement – chez les jeunes, mais aussi les moins jeunes - et même s’amplifier. Mais pour qu’il dure et soit efficace, nous devons, selon moi, résoudre les faiblesses du mouvement (l’absence de structure démocratique et la question du programme).
Révolution : Y4C, à travers un entretien donné par Anuna De Wever, vient de présenter sa stratégie et ses objectifs pour la rentrée : faire grève une fois par mois, mais, surtout, s’adresser au monde des entreprises, vu l’inertie du monde politique. Il s’agirait d’aider les entreprises qui le souhaitent à atteindre la neutralité carbone et à s’engager avec l’initiative Sign for My Future. Qu’en penses-tu ?
Matthis : Avant même de donner mon avis sur le fond, je dois avant tout avouer que le fait que Y4C prennent des décisions pour le mouvement sans aucune démocratie me gêne…
Sur la question des entreprises, je pense qu’aujourd’hui, il est difficile de nier que la catastrophe écologique est une conséquence du capitalisme. Personnellement, je trouve étrange comme stratégie d’aller demander à ceux qui causent le réchauffement climatique de le résoudre.
De plus, penser que le monde des entreprises n’aura pas la même inertie que le monde politique, c’est se leurrer. En effet, j’ai du mal à croire que les capitalistes sont prêts à abandonner des parts énormes du marché et à investir dans des outils de production moins polluants, et donc perdre d’énormes profits, pour améliorer la situation climatique.
Révolution : Plus loin dans l’entretien, Anuna De Wever déclare : "Je veux que le climat devienne une priorité pour chaque parti. Le Vlaams Belang et la N-VA doivent également devenir des leaders climatiques.". Tu te reconnais dans cette démarche ?
Matthis : Absolument pas. Sans même parler de N-VA et du Vlaams Belang, les mesures que prendront la majorité des partis, en plus d’être inefficaces, se feront sur le dos des travailleurs (taxes, austérité, etc.)
Quant à la N-VA et Vlaams Belang, je pense que nous n’avons pas le droit de faire des appels ou des concessions à ces partis. L’expérience de la N-VA au pouvoir (on peut donc raisonnablement s’imaginer qu’avec le Vlaams Belang ce sera encore pire) a eu pour résultat des politiques causant consciemment la mort de milliers de personnes (migrants) et notamment de la petite Mawda.
Comme conclusion pour ces deux dernières questions, je pense que la seule solution réaliste et efficace est résolument anticapitaliste.