Il y a 55 ans, l’émeute à la sortie du bar Stonewall Inn, situé sur Christopher Street dans le Greenwich Village de la ville de New York, marquait un tournant dans la lutte pour l’émancipation des personnes LGBTQ. Ce soir-là, le bar est victime d’un autre raid policier, comme c’est la coutume à l’époque avec les bars gays. Mais cette fois, les personnes LGBTQ ne se laissent pas marcher sur les pieds et tiennent tête à la police de New York dans une fin de semaine d’émeutes sans précédent.
Cet acte courageux a transformé le mouvement et mené à ce que des milliers de personnes LGBTQ mettent en pratique le slogan « hors du placard, dans la rue! » Il est important de revisiter ces événements et d’en tirer les principales leçons pour aujourd’hui.
La lutte LGBTQ avant Stonewall
Pour plusieurs, l’émeute de Stonewall était comme un éclair dans un ciel bleu. Mais la lutte pour la libération des LGBTQ avait commencé bien avant ces événements.
À l’époque, les travailleurs LGBTQ sont parmi les couches les plus opprimées de la société américaine. Il est légal à l’époque de congédier un employé à cause de « déviance » sexuelle, l’homosexualité étant en tête de liste de ces soi-disant déviances. Les médecins considèrent l’homosexualité comme un problème de santé mentale, et recommandent des thérapies de conversion ou encore des traitements d’électrochocs. Des homosexuels sont même parfois castrés contre leur gré. La sodomie est punie de sévères peines de prison et les actes homosexuels en public sont illégaux.
À l’époque du « McCarthysme », l’anticommunisme et l’homophobie sont intimement reliés. McCarthy lui-même affirme en blague à la presse que « si vous voulez être contre McCarthy, garçons, vous devez être un communiste ou un enculé. » Les homosexuels sont considérés comme une « menace à la sécurité » pour leur soi-disant « manque de stabilité émotionnelle » et la « faiblesse de leur fibre morale », et il faut donc les purger du gouvernement américain.
De manière intéressante, la première organisation de défense des droits des homosexuels (si l’on exclut la Society for Human Rights de Chicago, qui n’a duré que quelques mois en 1924) est fondée par un communiste, Harry Hay. Il s’agit de la Société Mattachine, établie en 1950. Cette organisation est la première de ce qui s’appelait à l’époque le mouvement « homophile ».
Cependant, le Parti communiste des États-Unis (CPUSA), auquel Hay appartient, n’accepte pas les homosexuels parmi ses membres. L’homophobie au sein du CPUSA est le résultat des honteuses actions de la clique de Staline en URSS, qui avait criminalisé l’homosexualité dans le pays en 1934, après qu’elle ait été décriminalisée sous Lénine et Trotsky en 1922. L’homophobie s’est ensuite répandue dans les autres partis communistes du monde.
Dans cette situation particulière où Hay a la ferme intention de poursuivre son militantisme homosexuel alors que le CPUSA refuse même d’admettre les homosexuels et lesbiennes dans son organisation, Hay propose alors sa propre expulsion du parti. Il explique : « Puisque les homosexuels n’avaient pas le droit d’être membres du Parti selon sa propre constitution, je sentais que les membres en Californie qui étaient au fait de mon travail de parti sauraient que je n’avais jamais mis en danger la sécurité du Parti. Mais, si cela était diffusé dans le People’s World ou le Daily Worker, les membres d’autres États sentiraient peut-être que le Parti négligeait la protection des membres. Je sentais que la proposition de mon expulsion exonérerait le Parti californien à leurs yeux, et c’était ça qui était important. » Hay est finalement expulsé.
Ainsi, les communistes américains manquaient une occasion en or de se faire l’avant-garde du mouvement de libération des LGBTQ. Nous pouvons voir ici le mal incommensurable que la dégénérescence stalinienne a engendré pour le mouvement communiste. Inutile de mentionner que l’homophobie des staliniens n’a rien à voir avec ce que les authentiques marxistes défendent.
La société Mattachine est la principale organisation de défense des droits des homosexuels au cours des années 1950. En 1955, l’organisation Daughters of Bilitis est fondée. Celle-ci est moins radicale que Mattachine, et se veut davantage un groupe d’appui pour les lesbiennes. Les deux organisations restent assez marginales ; à la fin des années 1950, Mattachine compte 230 membres, tandis que Daughters of Bilitis en compte 110.
Comme dans chaque mouvement d’émancipation des opprimés, il y a une lutte d’idées, de perspectives et de méthodes. Le mouvement de libération homosexuelle ne fait pas exception. Certains souhaitent des actions plus combatives, d’autres tentent de convaincre les politiciens libéraux et les « experts ». Cela reflète ultimement des perspectives de classe différentes dans le mouvement.
Il y a toujours eu une couche du mouvement qui tente de le maintenir dans des canaux « sécuritaires », c’est-à-dire d’empêcher le mouvement d’aller « trop loin » et de défier le système capitaliste en entier et ses représentants politiques. Certaines personnes ne veulent même pas d’un « mouvement » tout court. Par exemple, Curtis Dewees, de l’organisation Mattachine de New York, va proposer que le mouvement soit mené « par des piliers de la communauté », la raison étant que « des individus positionnés stratégiquement peuvent en faire davantage pour changer l’opinion publique dans la prochaine décennie que beaucoup plus de personnes choisies au hasard dans la société. » Les événements de Stonewall allaient faire mentir Dewees, alors que des centaines de personnes « choisies au hasard dans la société » allaient changer le cours de l’histoire plus rapidement que tous les politiciens libéraux réunis.
Les militants pour la libération des LGBTQ de l’époque font face à beaucoup d’obstacle, notamment le manque de participation des personnes LGBTQ elles-mêmes. En effet, beaucoup de personnes homosexuelles ne souhaitent pas être découvertes. Elles craignent même que des militants habillés en tenue « ordinaire » mènent à ce qu’ils soient eux-mêmes soupçonnés d’homosexualité. L’argument est : « Nous ne voulons pas que les gens sachent que nous (ressemblons à) tout le monde. Tant qu’ils s’imaginent des reines hurlantes avec des cils, nous sommes en sécurité. Nous ne sommes pas soupçonnés. Nous ne voulons pas de publicité. » Encore une fois, les émeutes de Stonewall allaient contribuer à changer cette dynamique.
« Pouvoir gay! »
À l’époque des émeutes de Stonewall, les personnes LGBTQ sont constamment la cible des policiers. Ces derniers prennent les homosexuels au piège en se déguisant en civil pour leur faire des avances dans un bar gai ou d’autres endroits publics. Les policiers s’en servent ensuite pour les mettre en état d’arrestation. Entre 1959 et 1963, entre 1000 et 1300 personnes sont arrêtées annuellement à New York pour « activités homosexuelles ».
Les bars gays sont souvent le seul refuge pour les personnes LBGTQ. Mais elles ne pouvaient tout de même pas échapper complètement à l’oppression. En effet, les raids policiers dans les bars gays sont la routine à l’époque. Lors de ces raids, les policiers en profitent pour arrêter ceux qui sont « travestis » (c.-à-d. ceux qui sont habillés avec des vêtements ne correspondant pas au genre qu’ils se sont fait assigner à la naissance), ce qui est interdit à l’époque. En 1959, la State Liquor Authority fait fermer une douzaine de bars à New York pour avoir servi de l’alcool à des homosexuels, ce qui était illégal. Ce n’est qu’en 1966 qu’il sera permis de servir de l’alcool à des homosexuels, et pour ceux-ci de danser en public!
Voyant une occasion d’étendre ses activités, la Mafia va prendre le contrôle de « l’industrie » des bars gays – le Stonewall Inn est d’ailleurs l’un des bars contrôlés par la Mafia. Les mafieux profitent de leur contrôle des bars gays pour servir de l’alcool dilué à des prix élevés, et pour faire du chantage auprès de clients voulant cacher leur orientation sexuelle. La population homosexuelle est une source immense de profits pour la Mafia dans les années 60. Cependant, les mafieux eux-mêmes ne sont pas persécutés ; la police les avertit à l’avance des raids, et ils paient des policiers corrompus pour qu’ils les laissent tranquilles.
Dans le cas du Stonewall Inn, sous prétexte de lutter contre la mafia, la police reçoit la permission de fermer le bar. Un premier raid survient le mardi 24 juin 1969 afin de trouver des preuves contre les mafieux qui possèdent le bar. Selon Ronnie Di Brienza, qui assiste au raid, le sentiment général est qu’il s’agit d’un autre harcèlement de routine où les policiers corrompus demandent de l’argent aux mafieux. Il raconte que pendant trois jours, la frustration générée par le raid se fait ressentir : « Essentiellement, le thème était « Il faut que cette merde cesse! »
Puis, tôt le matin du samedi 28 juin, un deuxième raid est mené par les policiers. Les travestis sont gardés dans un groupe afin d’être « examinés » à la salle de bains, une procédure humiliante pour vérifier s’ils contreviennent aux lois réactionnaires interdisant le « travestisme ». Mais l’opération ne se déroule aucunement comme prévu. Cette fois, des personnes présentes refusent de collaborer avec la police. Dehors, les clients qui ont pu sortir, au lieu de quitter les lieux, se rassemblent à la sortie et attendent de voir ce qui arrive à leurs amis.
Alors que les employés du bar et les travestis sont envoyés dans un fourgon cellulaire, la foule commence à huer et à se moquer de la police. Une lesbienne se fait pousser en dehors du bar et est lancée dans une voiture de police, mais elle réussit à en sortir par deux fois. Certains affirment qu’elle s’est retournée vers la foule en disant « Pourquoi vous ne faites rien? » Puis, alors qu’elle est repoussée violemment dans la voiture, les manifestants se mettent à crier « Brutalité policière! Cochons! » en direction des policiers. C’est là que l’émeute commence.
La foule insulte sans cesse la police, lui lance des pièces de monnaie, des bouteilles de bière, de vin ou de boisson gazeuse, et même du pavé. Après des années et des décennies à subir l’humiliation, l’oppression, l’exploitation, les personnes LGBTQ déversent toute leur colère accumulée sur la police ce soir-là.
Les policiers se voient forcés de battre en retraite et de se barricader dans le Stonewall Inn, sous une pluie de projectiles. Comme l’a dit un participant à l’émeute : « Dans le mouvement des droits civiques, nous fuyions la police, dans le mouvement pour la paix, nous fuyions la police. Ce soir-là, c’est la police qui nous fuyait, nous, le bas-fond de la société. » Les personnes LGBTQ présentes ce soir-là défont le mythe répandu qui les présente comme des personnes faibles, vulnérables et passives. Elles crient « Pouvoir gai! » et « Nous voulons la liberté! » devant des policiers ébahis et apeurés. L’arrivée en renfort de la police antiémeute mettra fin à cette soirée historique.
Le lendemain, la nouvelle de l’émeute se répand comme une traînée de poudre. Sur les panneaux de bois qui remplacent les vitrines fracassées du Stonewall Inn, des slogans sont écrits à la craie : « Soutenez le Pouvoir gai – Allez les filles », « Ils veulent qu’on se battent pour notre pays. Mais ils envahissent nos droits » et « La prohibition gaie corrompt, les policier$ nourrissent la Mafia ». Le soir, un rassemblement spontané en face du Stonewall Inn a lieu. Environ deux mille personnes sont rassemblées et chantent les slogans de la veille, auxquels s’ajoutent notamment « Christopher Street appartient aux Reines! » et « Égalité pour les homosexuels! » Le rassemblement débouche sur un nouvel affrontement avec les forces policières et l’antiémeute est à nouveau appelée à intervenir en renfort.
Les émeutes de Stonewall ont marqué l’histoire car elles ont été le moment où les personnes LGBTQ ont dit « ça suffit! » Comme l’a dit un participant : « Nous avons été harcelés simplement parce que nous avions du plaisir, sans faire de mal à quiconque. Eh bien, les “émeutes gaies” signifient que nous n’en accepterons pas davantage. »
Radicalisation
Les émeutes ont immédiatement été l’étincelle d’une vague de militantisme gai sans précédent. Suite aux émeutes, une couche de militants de la Société Mattachine de New York (MSNY), radicalisés par leur expérience, souhaitent que le mouvement soit plus combatif et s’allie avec le reste de la gauche dans la lutte contre l’oppression des noirs et contre la guerre du Vietnam, notamment. Un comité d’action est formé au sein de la MSNY. Mais ce comité entrera rapidement en conflit avec la direction plus conservatrice de l’organisation, représentée notamment par Dick Leitsch. Dans une réunion houleuse de la MSNY, Leitsch affirme qu’il veut que le mouvement « conserve la faveur de l’establishment ». Un débat animé s’en suit, au cours duquel Leitsch se fait interrompre par un militant qui lui dit : « Tous les opprimés doivent s’unir! Le système nous maintient tous en position de faiblesse et nous maintient séparés. »
Plus tard, la faction conservatrice ira même jusqu’à s’opposer à une commémoration des émeutes, car une telle démonstration de « Pouvoir gai » aurait pour risque d’antagoniser les alliés libéraux au sein du conseil municipal! Il y a sans aucun doute des personnalités similaires dans le mouvement LGBTQ aujourd’hui qui souhaitent que les manifestations de la Fierté et le mouvement en général demeurent dans des canaux sécuritaires pour l’establishment.
Au bout du compte, le comité d’action forme une organisation séparée, le Gay Liberation Front (GLF, Front de libération homosexuelle). Dans un article publié dans le journal Rat qui annonce la fondation du GLF sous forme d’entrevue, la réponse à la question « Qu’est-ce que le Gay Liberation Front » va comme suit :
« Nous sommes un groupe révolutionnaire d’hommes et de femmes formé avec la réalisation que la libération sexuelle complète pour tous ne peut être atteinte que si les institutions sociales existantes sont abolies. Nous rejetons la tentative de la société d’imposer des rôles sexuels et des définitions de notre nature… »
« Comme tout le monde, nous sommes traités comme des marchandises. Nous nous faisons dire quoi ressentir, quoi penser… Nous nous identifions avec tous les opprimés : la lutte vietnamienne, le tiers-monde, les noirs, les travailleurs… tous ceux qui sont opprimés par cette conspiration capitaliste pourrie, sale, vile. »
La radicalisation à gauche au sein du mouvement LGBTQ n’était pas un accident. Des couches entières de la société américaine, particulièrement la jeunesse, en arrivaient à la conclusion que le capitalisme et les différentes formes d’oppression étaient liés et qu’il fallait lutter contre le capitalisme pour libérer les opprimés. Des organisations similaires au GLF ont été fondées dans d’autres pays comme le Royaume-Uni, le Canada, la France, l’Italie, etc. Le GLF aux États-Unis n’a duré que jusqu’en 1972. Quoi qu’il en soit, son appel à lier la lutte des personnes LGBTQ avec les travailleurs et les opprimés doit être repris aujourd’hui. C’est ce que les marxistes de la Tendance marxiste internationale tentent de faire!
Faire revivre la tradition combative
La première commémoration des émeutes de Stonewall a lieu un an plus tard, le 28 juin 1970. Au grand bonheur des initiateurs de l’événement, des milliers de personnes participent à la manifestation. Un participant affirme : « Ce fut le moment où la porte du placard s’ouvrait et où la communauté gaie se révélait au grand jour. » À partir de là, la Marche de la Fierté allait devenir une tradition qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Ce ne sont pas les pirouettes parlementaires de politiciens libéraux qui ont donné l’élan vers l’émancipation des LGBTQ, mais bien l’action héroïque de milliers de personnes qui ont tenu tête à la police de New York, qui ont permis de faire des pas en avant.
Malheureusement, depuis lors, la Fierté s’est énormément éloignée de ses racines combatives. La manifestation, ayant commencé sous le slogan « Pouvoir gai », n’est aujourd’hui rien de plus qu’une énorme fête à la laquelle participent même des politiciens comme Hillary Clinton et Justin Trudeau. Même la police se présente en uniforme dans les parades, cette même institution qui opprimait les personnes LGBTQ à l’époque de Stonewall, et qui les opprime encore aujourd’hui. La police de New York, cette année, sentant une occasion de fourbir son image, a même été jusqu’à s’excuser cyniquement pour son traitement des personnes LGBTQ à l’époque!
La marchandisation de la Fierté a aussi augmenté d’année en année. De grandes entreprises commanditent l’événement et les banques ajoutent l’arc-en-ciel à leur logo. En 2017, la Fierté de New York avait pas moins de 61 commanditaires! Witeck Communications, une firme de communication spécialisée dans la diffusion auprès des personnes LGBTQ, avait calculé en 2016 que le pouvoir d’achat des personnes LGBTQ aux États-Unis était d’un billion de dollars. Voilà où réside l’intérêt matériel de ces entreprises à venir coopter la Fierté.
Malgré l’hypocrisie complète et les intérêts financiers en jeu ici, la popularité de la Fierté est tout de même un remarquable témoignage du changement dans l’opinion publique au sujet des personnes LGBTQ. Alors que toute la société bourgeoise était imbibée de préjugés homophobes, aujourd’hui, nombre de ces préjugés ont diminué. En 2004, 60% des Américains s’opposaient au mariage entre personnes du même sexe. En 2019, c’est 61% des Américains qui y sont favorables. Quel revirement remarquable!
La marche vers l’égalité a été longue et les victoires ont pris un temps péniblement long à venir. Il a fallu attendre 2003 pour que toutes les lois anti-sodomie soient renversées par la Cour suprême aux États-Unis, et 2015 pour que le mariage homosexuel soit légal à travers tout le pays. Plus encore, la lutte est loin d’être terminée. Malgré le fait que de nombreux droits formels ont été gagnés, les personnes LGBTQ demeurent parmi les couches les plus opprimées de la société. Selon une étude de 2017, les personnes LGBTQ ont 120% plus de chances d’être sans abri que les personnes hétérosexuelles. De plus, selon le rapport de 2017 de GLSEN, 70,1% des étudiants LGBTQ ont subi du harcèlement verbal à l’école basé sur leur orientation sexuelle. Pour la première fois depuis 2007, l’intimidation à l’école basée sur l’expression sexuelle ou l’orientation sexuelle est demeurée stable ou a augmenté. Selon le Williams Institute, les personnes LGBTQ ont un taux de chômage presque deux fois plus élevé que les personnes non-LGBT, et 27% d’entre eux souffrent d’insécurité alimentaire, contre 15% pour les non-LGBT. Des données colligées par le FBI et publiées en 2016 montrent que les personnes LGBTQ sont la minorité la plus susceptible de subir un crime haineux.
Comme on dit, la démocratie ne se mange pas. Bien que de nombreux droits démocratiques aient été conquis, d’énormes barrières à l’égalité économique et sociale se dressent devant les personnes LGBTQ.
Et même les gains du passé sont menacés. Nous le voyons très clairement avec l’administration Trump, qui a implanté plusieurs mesures oppressives à l’endroit des personnes LGBTQ et des personnes trans en particulier. Par exemple, Trump a interdit aux personnes trans de servir dans l’armée américaine, et a retiré la protection fédérale pour les étudiants trans qui leur permettait d’utiliser les toilettes correspondant à leur identité de genre. En mai de cette année, Trump a annoncé une nouvelle règle qui permettrait aux refuges pour sans-abri de refuser des personnes pour des motifs religieux ou de forcer des femmes trans à partager des toilettes et des dortoirs avec des hommes. Trump a également proposé que l’identité de genre ne soit plus incluse parmi les formes de discrimination sexuelle. Cela permettrait aux travailleurs du milieu de la santé de refuser des opérations comme la chirurgie de réaffectation sexuelle, par exemple. Toutes ces attaques dégoûtantes sont la preuve que tant que nous laissons le capitalisme en place, nos droits élémentaires ne seront jamais en sécurité.
Le mouvement doit dès aujourd’hui faire revivre l’esprit radical des émeutes de Stonewall. Beaucoup de personnes sont dégoûtées de l’hypocrisie des politiciens capitalistes qui participent à la Fierté, mais qui poursuivent leurs mesures d’austérité comme si de rien n’était ou ferment les yeux devant les inégalités dont souffrent les personnes LGBTQ. Elles sont également dégoûtées par la présence des policiers à la Fierté et des grandes entreprises qui nous exploitent tous et toutes. Nous ne pouvons compter sur tous ces gens dans la lutte pour l’émancipation.
Aujourd’hui plus que jamais, la lutte pour l’égalité doit être liée à un programme de lutte contre le capitalisme et pour le socialisme. Le mouvement ouvrier doit mener la lutte pour les droits des personnes LGBTQ et la lier à la lutte pour transformer toute la société. En expropriant le 1%, nous pourrions utiliser les immenses ressources que ces gens cachent dans leur compte de banque pour satisfaire les besoins de tous. Une fois que toute la capacité productive de la société est dans les mains de la classe ouvrière dans son ensemble, nous pourrons offrir des salaires, des conditions de travail, un logement et des soins de santé qui seront décents pour tous. Le contrôle démocratique des milieux de travail et des établissements scolaires nous permettrait de lutter contre la discrimination et les préjugés en faisant que tous ceux qui sont en position de direction ou d’enseignement soient tenus responsables et rendent des comptes. Les groupes LGBTQ pourraient recevoir toutes les ressources nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques des personnes LGBTQ. Comme le GLF l’a bien dit : « la libération sexuelle complète pour tous ne peut être atteinte que si les institutions sociales existantes sont abolies ». Ajoutons que la libération ne pourra être atteinte que si ces institutions sont remplacées par un gouvernement ouvrier et par le socialisme.
Sources :
Ann Bausum, Stonewall: Breaking Out in the Fight for Gay Rights, Penguin, New York, 2015.
David Carter, Stonewall: The Riots that Sparked the Gay Revolution, St. Martin’s Griffin, New York, 2010.
David Eisenbach, Gay Power: An American Revolution, Carroll & Graf, New York, 2006.