Le 24 septembre dernier, la compagnie Thomas Cook, principal opérateur des voyages organisés britanniques, a annoncé sa faillite. Trois mois sont passés, et l’on peut voir où se ne se trouvent pas les priorités de nos gouvernants : des centaines d’emplois perdus et, sauf quelques déclarations à la presse, aucune mobilisation sociale.
Le géant Thomas Cook en chiffres : plus de 200 000 voyageurs bloqués dans une soixantaine de pays et 600 000 touristes laissés pour compte, dont la plupart avait travaillé dur pour s’offrir des vacances en basse saison, période la moins chère de l'année. Thomas Cook c’est aussi 21 000 emplois menacés dans le monde et 800 000 vols annulés, tout cela malgré un chiffre d'affaires de 7,9 milliards d'euros ! La faillite du groupe britannique montre l'instabilité économique actuelle et l'effet dévastateur de la spéculation.
Rien qu’en Tunisie, la société doit 53 millions de livres sterling (55M €) aux hôteliers pour les séjours de juillet et août. En sachant que les employés de ces hôtels sont moins bien rémunérés que leurs homologues européens, le risque d’un impact économique désastreux est grand pour des milliers de travailleurs tunisiens, victimes de la situation.
Une crise qui a touché les moins nantis de la société
Souvenons-nous : Il y a quelques années, certaines banques au bord de la faillite ont été sauvées par les gouvernements (notamment le gouvernement britannique qui refuse maintenant de sauver Thomas Cook en laissant 9000 travailleurs sur le carreau !) grâce à l’injection de sommes astronomiques. Mais quand il s'agit des vacances des pensionnés ou des travailleurs, aider une entreprise pour sa survie, c’est une autre histoire…
Plutôt que de donner une vraie réponse, les gouvernements ont préféré ponctionner l’argent du trésor public pour affréter des avions afin de rapatrier les touristes bloqués. La chute de Thomas Cook s'ajoute à la vague de fermetures qui secoue depuis une décennie les compagnies aériennes (Monarch Airlines, Air Berlin, Wow Air, etc.) mais aussi les opérateurs : deux entreprises ont fusionné en Espagne (Globalia et Barceló) en un géant global qui a comme bailleur de fonds Groundforce. Le chiffre d’affaires de ce nouveau monstre s’élève à 3.7 milliards d’euros. Au lieu de se préoccuper du sort des compagnies aériennes, les gouvernements ont laissé les marchés « se réguler » sur le dos des vacanciers et des travailleurs. Il y a la faillite d'Alitalia, et nous avons pu voir en Belgique comment Brussels Airlines (anciennement Sabena) est devenue une compagnie de deuxième classe pour Lufthansa.
Aujourd’hui, tout comme dans le secteur bancaire et le secteur des technologies de l’information, le secteur aérien passe par une phase de concentration du capital.
Comme d’habitude, les patrons se sont mis de l’argent plein les poches, sans le moindre problème. Peter Fankhauser, le dernier patron de Thomas Cook, a touché près de dix millions d’euros en quatre ans, dont près de la moitié en bonus. Harriet Green (la numéro deux de l'entreprise) a touché près de 11 millions de livres sterling de salaire en 2012 et 2014 en tant que PDG, ainsi qu’une prime de 80 000 £ (presque 90.000 €) pour ses séjours et voyages. Ces gens sont les responsables de la chute de la compagnie et de la perte de milliers d’emplois, sans aucune répercussion pour eux.
La réponse de la gauche parlementaire
Même si cette "crise" a touché des centaines de travailleurs en Belgique, la réponse a été très limitée. La députée PTB Maria Vindevoghel a réagi à la chute de Thomas Cook en déclarant : "Je me sens particulièrement solidaire des 600 travailleurs belges qui vivent aujourd’hui dans l’incertitude. L’incertitude de perdre son travail est quelque chose d’extrêmement lourd à porter". Le PTB a dénoncé les effets du capitalisme (à juste titre) et exigé une commission parlementaire : "Nous demandons dès lors que les Commissions Affaires sociales et Économie soient convoquées conjointement, dans le but d’interroger le Ministre Wouter Beke, en sa qualité de ministre de l’Emploi et des Consommateurs. »
“La seule solution à nos problèmes serait donc une commission parlementaire ?”
Cela reste toutefois mieux que les positions d’Ecolo, le soi-disant parti de gauche, qui a déclaré : « Le gouvernement doit suivre de près la situation, c'est de sa responsabilité. » Gilles Vanden Burre, député Ecolo, demande au gouvernement de « de mettre en place une politique de formation et de reconversion des travailleuses et travailleurs concernés. » La responsabilité est ainsi rejetée sur le dos des travailleurs qui ne sont pas suffisamment formés !
La réponse syndicale a aussi été très timide : déclarations à la presse et réunions informatives, c’est tout ! Aucune mobilisation, aucune demande au gouvernement au-delà de la préservation des emplois. L’absence de formation d’un gouvernement fédéral a servi d’excuse à l’inaction. Pourtant, le précèdent gouvernement en affaires courantes avait décidé d’aider la coalition internationale qui bombardait la Libye en 2011... Les gouvernements en affaires courantes ont de drôles de priorités.
Outre-Manche, la réaction des syndicats a également été très modérée. Le syndicat TSSA (Transport Salaried Staffs ’Association), représentant de nombreux travailleurs britanniques de Thomas Cook, n’a mobilisé aucun membre pour défendre les emplois, et a encore moins appelé à une action unie avec les milliers de travailleurs des transports en Europe, dont les luttes se multiplient.
Finalement une entreprise de voyages 'low-cost' a repris Thomas Cook en Belgique et certains emplois ont été sauvés… jusqu'à la prochaine crise dans le secteur ! Si l’on ne donne pas de réponse claire à ce type d'incidents, on ne pourra jamais reconstituer un rapport de force en faveur des travailleurs. Il est temps de changer de stratégie !
Il nous faut construire un front large des travailleurs et usagers des transports aériens en vue de la prochaine faillite ! Il nous faut également diffuser l’idée de la nationalisation. Le gouvernement travailliste d’après-guerre avait d’ailleurs nationalisé Thomas Cook ainsi que le réseau ferroviaire britannique. Dans un secteur comme le transport, il estaussi nécessaire de construire des rapports de force européens et internationaux.