Le régime de Bachar el-Assad est confronté à de nombreuses milices armées et financées par plusieurs puissances étrangères, dont principalement l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie.
Avec de tels appuis, l’augmentation des capacités opérationnelles des milices n’a rien de surprenant. Les services secrets américains et français sont également actifs sur le terrain, fournissant des renseignements et des appuis logistiques à ces « rebelles », dans le but de recruter des pions et multiplier des points d’appui dans le pays. [1]

Ce qui se nomme « l’Armée syrienne libre » n’a pas d’autre réalité que les nombreuses milices, principalement salafistes, qui opèrent sur le terrain. Ces milices n’ont strictement rien de révolutionnaire. Elles n’ont aucun rapport avec la classe ouvrière. La population qu’elles prétendent représenter n’exerce absolument aucun contrôle sur leur comportement. Leurs chefs n’obéissent qu’à leurs bailleurs de fonds respectifs. L’Arabie Saoudite et le Qatar – ces dictatures soucieuses d’instaurer la « démocratie » en Syrie – arment et financent les milices pour balayer el-Assad et mettre la Syrie au service de leurs intérêts économiques et militaires dans la région. Loin de représenter la « révolution syrienne », l’ensemble de ces milices représente au contraire la contre-révolution régionale. Elles se servent du fanatisme religieux pour duper les masses sunnites et diviser la population sur des bases confessionnelles.

Faute d’organisations indépendantes de la classe ouvrière et d’un programme authentiquement révolutionnaire pour unir toutes les communautés, la question sociale – emploi, nourriture, conditions de vie – se confond largement avec la question religieuse. A Homs, par exemple, les sunnites pauvres sont entassés dans des quartiers délabrés. Avec l’arrivée au pouvoir du régime baasiste, les alaouites tendaient à occuper les emplois les plus intéressants, notamment dans l’administration. Les salafistes exploitent à présent le ressentiment qui en résulte, prônant un pouvoir sunnite à la place des alaouites.

Aucun communiste digne de ce nom ne peut soutenir le régime d’el-Assad. Mais la question de qui le renverse – et comment – ne nous indiffère pas. Un « soutien critique » de ces milices n’aurait pas plus de sens qu’un soutien critique des Talibans afghans. A l’origine, en 2011, le régime syrien a été ébranlé par les répercussions de la révolution tunisienne et égyptienne, puis par la chute de Kadhafi en Libye. Les manifestations massives contre le régime ouvraient la voie – du moins potentiellement – à une mobilisation de la classe ouvrière syrienne sur des bases similaires à ce qui s’est produit en Tunisie et en Egypte. Mais faute d’organisation et de direction, ce potentiel révolutionnaire a été rapidement dissipé. Même à l’apogée de ce mouvement, aucune grève significative n’a eu lieu dans l’industrie, les transports, les télécommunications ou l’administration. La classe ouvrière proprement dite n’est pas entrée en action.

La révolte n’a réussi qu’à fragiliser le régime, sans pouvoir aller plus loin, ouvrant ainsi aux puissances étrangères hostiles à la Syrie – et à son allié, l’Iran – la possibilité d’intervenir pour tenter de précipiter sa chute. Si elles y parviennent, le résultat ne sera pas la démocratie et la liberté, mais l’instauration d’une dictature militaire fondamentaliste. La Syrie serait divisée de facto en enclaves religieuses – chiites, alaouites, chrétiennes, etc. – sur fond d’effondrement économique et social. Les salafistes au pouvoir procéderaient à des représailles meurtrières contre tous ceux qui contesteraient leur pouvoir, pour affirmer leur emprise sur l’ensemble du pays. C’est la crainte de cette situation qui a procuré au régime d’el-Assad, sinon le soutien, du moins la caution passive d’une partie importante de la population.

La Turquie sert de base arrière aux milices actives en Syrie, abritant des camps d’entraînement et organisant l’acheminement d’armements à travers la frontière. Le siège du Conseil National Syrien (CNS) se trouve à Istanbul. Cette instance regroupe des représentants des différents intervenants de la guerre civile syrienne. Elle a été mise en place par les Etats-Unis, la France et la Turquie, pour créer l’impression d’un gouvernement alternatif potentiel. En réalité, le CNS est profondément divisé. Les Frères Musulmans en sont la composante dominante, mais aucune fraction ne parvient à s’imposer aux autres. De toute façon, les « décisions » du CNS sont prises ailleurs, par les gouvernements qui financent et arment les milices sur le terrain.

C’est ce même CNS réactionnaire que François Hollande a exhorté à se transformer en gouvernement provisoire, en lui promettant d’avance la reconnaissance de la France. Hollande semble ouvert, également, à l’idée d’une intervention militaire – sans doute sous prétexte «  humanitaire  » – pour aider les milices fondamentalistes à prendre le pouvoir. L’ensemble du mouvement ouvrier français devrait prendre clairement position contre cette politique impérialiste.

[1] Parmi ces pions, on pourrait citer Manaf Tlass. Fils de l’ancien ministre de la Défense et général de l’armée syrienne, sa défection en juillet dernier aurait été avantageusement « facilitée » par les services secrets français.

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