Trois mois après le coup d’Etat au Honduras, le 28 juin dernier, la résistance populaire contre les putschistes se poursuit, invaincue.

A l’heure où ces lignes sont écrites, les grèves, les rassemblements et les manifestations n’ont pas cessé. La répression brutale, les arrestations, les assassinats ciblés de militants et le quadrillage militaire du pays ne sont pas venus à bout d’un mouvement dont l’organisation s’est renforcée – et qui tire des conclusions politiques de plus en plus radicales.

Pendant ce temps, les grands médias capitalistes – en Belgique et ailleurs – recouvrent le Honduras d’une chape de silence, révélant une fois de plus leur sympathie à l’égard des forces les plus réactionnaires d’Amérique latine. Les jours suivant le coup d’Etat, ils ont simplement expliqué que le président Manuel Zelaya n’avait pas respecté la Constitution du pays. C’est le discours officiel du « Président » putschiste, Roberto Micheletti. Or, le coup d’Etat n’avait rien à voir avec les formalités constitutionnelles. L’oligarchie hondurienne et les impérialistes ne pouvaient tolérer les réformes sociales – pourtant modestes – dont Zelaya avait pris l’initiative : augmentation du salaire minimum, baisse du prix des médicaments les plus courants, baisse des taux d’intérêt pour les petits fermiers, etc. Dans le contexte du processus révolutionnaire qui balaye le continent latino-américain, les réactionnaires redoutaient que le Honduras suive la voie du Venezuela, de la Bolivie et de l’Equateur.

Le rôle des Etats-Unis

Quel a été le rôle des Etats-Unis, dans ce coup d’Etat ? C’est pour le Honduras que fut inventée la formule « République bananière ». Aucun coup d’Etat ne peut être organisé, dans ce pays, sans le feu vert de hauts représentants de l’administration américaine. Et l’on sait que Washington était en contact régulier avec les putschistes, bien avant le coup d’Etat.

Ceci étant dit, l’approche d’Obama, vis-à-vis de l’Amérique latine, est différente de celle de Bush. Bien sûr, les objectifs fondamentaux restent les mêmes : la domination du continent pour ses matières premières, son marché intérieur et comme zone d’influence. Mais la stratégie systématiquement agressive de l’administration Bush – contre la Bolivie, le Venezuela et Cuba – a été un échec complet, du point de vue de l’impérialisme américain. Bush a beaucoup agité le bâton, sans résultats. Obama juge le temps venu d’agiter la carotte (le bâton restant à portée de main). D’où les signes « d’ouverture » à l’égard du Venezuela et de Cuba, par exemple. Dans le même temps, Obama renforce la pression sur le Brésil pour qu’il joue un rôle d’« influence modératrice », dans la région.

Tout indique que la Maison Blanche était plutôt favorable à un « coup d’Etat constitutionnel », c’est-à-dire à une résolution du Parlement (ou de la Cour suprême) qui aurait démis Zelaya de ses fonctions – sans rompre avec les règles formelles de la « démocratie » bourgeoise. Cependant, ce scénario fut mis à mal par la mobilisation populaire contre ces manœuvres. S’appuyant sur ce soutien de la rue, Zelaya a limogé le haut-commandement militaire et maintenu l’organisation d’un référendum dont le Parlement venait de voter l’illégalité. L’oligarchie hondurienne ne pouvait plus attendre. Ayant le feu vert d’éléments clés de l’administration américaine, dans l’entourage de Clinton, les putschistes ont pris les devants. Et s’ils ont décidé d’expulser Zelaya, plutôt que de l’arrêter, c’est parce qu’ils redoutaient que son lieu de détention soit pris d’assaut par la colère populaire.

Les négociations de San José

Au cours du mois de juillet, une « médiation » a été organisée à San José, au Costa Rica, entre Zelaya et le gouvernement putschiste de Micheletti. L’« accord » qui y fut élaboré proposait que Zelaya reprenne la présidence du Honduras, mais en ayant les pieds et les mains liés par toute une série de clauses – dont un gouvernement « d’union nationale » avec les putschistes. Le texte prévoyait également l’amnistie de tous les putschistes et l’abandon du projet de convoquer une Assemblée Constituante. Zelaya, malheureusement, accepta les termes de cet accord. Mais les putschistes le rejetèrent, car ils comprirent que s’il rentrait au Honduras, même pieds et mains liés, Zelaya serait un point de ralliement à la poursuite des mobilisations de masse.

Cet accord fut également rejeté par le Front National de Résistance contre le Coup d’Etat, qui réunit toutes les organisations politiques, syndicales, paysannes, indigènes et culturelles opposées au régime de Micheletti. Le Front a également prévenu que les mobilisations de masse se poursuivraient, pendant la « médiation ». Cela montre le haut niveau de maturité politique de ce Front. Car l’un des objectifs de cette « médiation » était précisément de désamorcer les mobilisations contre le coup d’Etat.

Répression croissante

En expulsant Zelaya du pays, l’oligarchie a provoqué ce qu’elle cherchait à éviter : un mouvement de masse des travailleurs, des paysans et de la jeunesse. La manifestation du 5 juillet fut probablement la plus grande de toute l’histoire du pays. Fin juillet, croyant la situation sous contrôle, Micheletti leva le couvre-feu. Grosse erreur. Le Front de résistance répondit en organisant une grande marche et des manifestations massives, le 11 août.

On ne peut qu’être impressionné par la combativité, l’héroïsme et l’endurance de ce peuple en lutte. Il fait face à une répression croissante et à la réapparition d’escadrons de la mort. Les locaux d’opposants aux putschistes sont attaqués. Des dirigeants politiques et syndicaux sont assassinés. Des provocateurs infiltrent le mouvement. Les manifestations sont brutalement réprimées. Malgré cela, le mouvement se poursuit.

Quelle stratégie peut mener à la victoire du mouvement ? Premièrement, face à la répression, il est urgent d’organiser l’auto-défense de la résistance et de ses organisations. Chaque organisation paysanne et ouvrière devrait organiser des piquets d’auto-défense, qui doivent encadrer les manifestations, les protéger des agents provocateurs et organiser la défense face aux attaques de la police, de l’armée et des groupes paramilitaires. Si de telles mesures ne sont pas prises, le risque existe que des militants isolés s’impatientent et prennent l’initiative d’organiser des petits groupes armés, coupés du mouvement de masse, dont les actions seraient contre-productives.

Deuxièmement, le Front et toutes les organisations syndicales qu’il regroupe ont la responsabilité d’organiser une grève générale. Les travailleurs honduriens ont la capacité de complètement paralyser la vie économique du pays. Les putschistes représentent les intérêts des douze familles qui contrôlent l’économie du pays. Une grève générale posera la question : qui doit diriger ce pays – douze familles ou la masse des travailleurs et les paysans ?

Troisièmement, l’appareil répressif d’Etat doit être brisé. Les jours suivant le coup d’Etat, il y a eu de nombreux exemples de soldats sympathisant avec le mouvement populaire. Avec un instinct remarquable, des manifestants se sont adressés à de nombreuses reprises aux soldats, en leur demandant de ne pas réprimer leur peuple pour le compte d’un gouvernement réactionnaire. C’est absolument correct, mais c’est insuffisant. Le Front devrait organiser une campagne coordonnée et systématique en direction des soldats de rang, dans le but d’en briser la discipline. Des tracts devraient être spécifiquement destinés aux soldats, et appeler à la formation de Comités de soldats opposés au coup d’Etat.

Enfin, la question du programme est d’une importance vitale. Le Front a déjà clairement déclaré que le retour de Zelaya n’est pas sa seule revendication. Il demande la convocation d’une Assemblée Constituante. Dans le contexte du Honduras, c’est absolument correct. Mais l’expérience du Venezuela, de la Bolivie et de l’Equateur montre qu’une Assemblée Constituante ne peut rien résoudre de fondamental tant que l’économie reste entre les mains de l’oligarchie. Les « douze familles » de l’oligarchie hondurienne doivent être expropriées et l’économie du pays placée sous le contrôle démocratique de la population. Le 5 août, Zelaya a déclaré que « les peuples du Honduras et d’Amérique latine luttent pour le socialisme ». Une première victoire, dans cette lutte, aurait un impact décisif en Amérique latine et à l’échelle mondiale !

Que faire en Belgique ?

1) Organiser des séances d’information sur le Honduras pour rompre le silence et les mensonges des médias.
2) Aider au boycot actif des bananes Chiquitas produites par une des multinationales qui soutient le coup d’état. La United Fruits Company/Dole n’a pas apprécié l’augmentation de 60% du salaire minimum décrété par Zelaya. La Belgique est grâce au port d’Anvers le quatrième partenaire commercial du Honduras. Nous pouvons donc avoir du poids dans la balance.
3) Préparer avec nous la grande journée de solidarité avec le Venezuela et le Honduras, le samedi 21 novembre à Bruxelles à partir de 13h dans les locaux de la CSC, Rue Plétinckx 19 à 1000 Bruxelles (Métro Bourse).

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