Malgré toutes les déclarations euphoriques de Trump ou de Macron sur la reprise économique actuelle, celle-ci est très fragile, comme les journées noires sur les marchés boursiers l’ont signalé début février.
Ce 5 février, le cours de la bourse américaine a subi sa plus grande chute en six ans. Le Dow Jones (le CAC 40 américain) a perdu plus de 800 points en une dizaine de minutes. L’attaché de presse de Trump a minimisé la gravité de la situation : « les marchés fluctuent à court terme, [...] mais les bases de l’économie sont très stables. » Pareille rhétorique n’est pas nouvelle : on l’entend avant chaque effondrement.
Le rôle du crédit
Ces « petites » crises boursières s’expliquent par la crainte des investisseurs d’un durcissement à venir des politiques monétaires, alors qu’ils se sont habitués à l’argent facile des politiques monétaires « souples ». Suite à la crise de 2008, les gouvernements américains et européens – entre autres – ont déversé des quantités colossales d’argent dans les coffres des banques et des grandes multinationales, de différentes manières. Par exemple, les taux d’intérêt directeurs du crédit, qui sont fixés par les Banques centrales, ont été maintenus à des niveaux très bas – et parfois même nuls ou négatifs, au regard de l’inflation. Par ailleurs, les Banques centrales ont eu recours à « l’assouplissement quantitatif » : elles ont racheté des centaines de milliards d’euros (ou de dollars) de titres pourris et d’obligations d’Etat, ce qui revient à faire tourner la planche à billets. Les grands capitalistes ont placé cet argent dans des opérations spéculatives juteuses – d’où la hausse des marchés boursiers, ces dernières années – plutôt que dans la production. En d’autres termes, les gouvernements et les Banques centrales ont regonflé la bulle spéculative qui avait éclaté en 2008. Alors, forcément, quand les taux d’intérêt menacent de repartir à la hausse, les investisseurs paniquent, car ils redoutent qu’un resserrement des politiques monétaires fasse éclater la bulle.
Surproduction
Fait significatif : malgré l’abondance exceptionnelle de liquidités bon marché (voire gratuites), l’inflation est restée très faible, ces dernières années. L’explication en est simple : l’économie mondiale est toujours embourbée dans une crise de surproduction ; les économistes bourgeois parlent, eux, de « surcapacité », mais c’est la même chose. C’est d’ailleurs la cause fondamentale de toute crise du capitalisme. Ce système est en effet soumis à un paradoxe : les patrons maximisent leurs profits au détriment des salariés (austérité, gel ou baisse des salaires réels), mais ils doivent vendre leurs marchandises à ces mêmes salariés, qui constituent l’essentiel de la demande (la consommation des ménages). Or, les salariés ne peuvent pas racheter l’ensemble des marchandises qu’ils ont produites. Le recours massif au crédit, sous différentes formes, permet de repousser artificiellement et temporairement les limites du marché, mais au prix d’une aggravation de la crise, lorsqu’elle éclate. En regonflant la bulle qui a commencé à éclater en 2008, les classes dirigeantes ont préparé une nouvelle crise, encore plus sévère. Ainsi, aucun des problèmes qui ont mené à la crise de 2008 n’a été résolu.
Tempête à l’horizon
Le FMI a revu à la hausse ses prédictions de croissance mondiale pour 2018, à 3,9 %. Mais nombre d’analystes restent plus circonspects. Ils soulignent que l’amélioration de la situation économique, fin 2017, n’est pas due à une amélioration des fondamentaux de l’économie, mais à un phénomène cyclique, qui ne durera pas. En effet, même lors d’une crise organique du capitalisme mondial, le cycle économique n’est pas aboli. Simplement, les phases de reprise sont faibles et de courte durée.
Les marchés boursiers ne sont pas un reflet fidèle de l’économie réelle, mais une crise boursière peut jouer un rôle de catalyseur dans le déclenchement d’une crise majeure. Or, face à une nouvelle crise de grande ampleur, les capitalistes seraient démunis, car toutes les mesures classiques utilisées pour repousser une crise ont déjà été utilisées depuis 2008. Avec un endettement public mondial de près de 275 % du PIB, les Etats ne peuvent pas rouvrir massivement les vannes du crédit, comme ils l’ont fait après 2008. Dans le même temps, les politiques d’austérité ont miné la consommation des ménages et ont favorisé la radicalisation politique des masses. L’instabilité politique est une source d’inquiétude croissante, sur les marchés.
Il est impossible de dire si les récentes chutes des marchés boursiers sont les premiers signaux d’une crise majeure à court terme. Mais le fait est que le capitalisme a atteint ses limites : il est engagé dans une crise organique, et pas seulement cyclique. Tôt ou tard, une crise éclatera et brisera tout espoir de stabilité économique et politique. Les beaux jours sont finis sur les marchés : préparez-vous à une tempête !