Après des mois de baisse de revenus, l'insatisfaction des coursiers est grande.
En août 2018, le revenu minimal était d'au moins 4,6 euros par course. Si l'on prend en compte les frais réels, ainsi que l'agrandissement de la zone de livraison et l’augmentation des temps d'attente dans les restaurants comme McDonald's, on arrive à une réduction des revenus de 25 à 35 % depuis août 2018, soit un passage d’un salaire horaire de 15-17 euros à 10-12 euros. La plupart de ces diminutions n'ont même pas été signalées aux coursiers. Le salaire est calculé par un logarithme baptisé « Frank », gardé précieusement secret, et que Deliveroo peut modifier à sa guise.L'idée d'agir contre cette baisse et de prendre revanche de toutes les humiliations infligées par les plateformes, à travers une grève le 15 juin 2019, a été lancée par une poignée de coursiers du Collectif des Coursiers et a été rapidement propagée grâce à des tracts et des groupes WhatsApp.Les syndicats UBT-RidersUnion et CSC-FreelancersUnited ont soutenu cette action qui s’est déroulé le samedi 15 juin. La CGSP-UGent a appelé à une visite de solidarité au piquet de grève sur le Korenmarkt, la place centrale de Gand.La presse a également accordé beaucoup d'attention à l'action. Le fait que de nombreux journalistes, en tant que pigistes, connaissent les ressorts de cette exploitation n’y est certainement pas pour rien.Les capitalistes de plateforme ont réagi à cette grève comme à leur habitude : ils ont tout nié en bloc (et donc menti). Il faudra plus d'actions, de lutte et de pression pour les forcer à répondre aux exigences des coursiers. Et ils auront tout ceci : une prochaine grève a été annoncée pour le mois d'août.
Nous republions ci-dessous le rapport et la réaction aux mensonges que Deliveroo a diffusés, publiés sur la page facebook du Collectif des coursiers :
Deliveroo joue au dur, et ce faisant, montre que la grève a été un succès et qu'elle a eu un impact. Dans sa réaction, Deliveroo fournit peu d'informations concrètes. Quelques faits :
- Deliveroo affirme qu'il n'y a eu aucune réduction de revenus. Ce déni a mis de nombreux coursiers en colère : ils ont perdu entre 25 et 35% de leurs revenus depuis l'été dernier ! Tout comme la tentative d’opposer les grévistes aux "coursiers qui travaillent dur et veulent gagner de l'argent" Pourtant ce sont ces mêmes coursiers qui font rouler l'entreprise depuis un an ou plus, par tous les temps.
- Deliveroo annonce compter 6 grévistes : absurde ! Il y avait 15 à 20 coursiers en grève au piquet sur le Korenmarkt, soutenus par les syndicats UBT-FGTB et CSC-Transcom, 30 syndicalistes solidaires, gilets jaunes et autres. Merci pour ce soutien !
A cela il faut ajouter les coursiers qui ont fait grève, mais qui ne sont pas venus au piquet de grève. On compte donc 40 grévistes : une participation importante, pour une première fois.
Selon Deliveroo, il y a normalement environ 80 coursiers qui travaillent le samedi soir à Gand. Cela signifie que la moitié du nombre de coursiers a cessé de travailler hier. (Bien que Deliveroo ait eu beaucoup plus de coursiers inscrits pour le jour de grève, puisque la plateforme a gardé les sessions ouvertes aux réservations tout au long de la semaine. Ces sessions sont normalement réservées assez rapidement parce que nous pouvons gagner plus d'argent les soirs de fin de semaine).
-Deliveroo dit que nous avons été "jetés hors" des restaurants où nous allions demander d'éteindre les applications en solidarité avec notre action.
La vérité est que Deliveroo avait engagé deux agents de sécurité pour nous tenir à l'écart de certains restaurants sur le Korenmarkt. Malheureusement pour eux, cela n'a pas fonctionné, et au moins 7 restaurants ont fermé l'application. Certaines chaînes comme Ellis Hamburgers ont eu besoin d'un peu plus de persuasion, mais elles ont toutes éteint l'application. De plus, le McDo du Korenmarkt n'a rien livré de la soirée (et en était très insatisfait). La plupart des restaurants était tout à fait disposée à éteindre l'application entre 19h et 20h ; les restaurateurs nous ont raconté comment Deliveroo les plume. Il suffit de calculer le profit réalisé par les patrons de Deliveroo : ils facturent 30 % du montant du repas aux petits restaurants tandis que le client paie 2 euros et que le coursier ne reçoit qu’environ 4,3 euros.
- Etait-ce vraiment la première fois, vendredi, que nous prenions contact avec Deliveroo pour entamer des négociations autour de nos revendications ?
Non : Deliveroo a déjà reçu des centaines de questions et de commentaires de coursiers, séparément, de même que nous avons participé à des comédies appelées 'tables rondes', parfois organisées par Deliveroo.
En tant que Collectif des coursiers, la section bruxelloise a déjà envoyé beaucoup d'e-mails, appelé etc., tout comme les syndicats qui demandent à l'entreprise de négocier avec les coursiers organisés autour des nombreux problèmes rencontrés.
Le collectif gantois a également envoyé un e-mail en janvier au sujet des baisses de tarifs ; personne n'y a répondu.
Le 10 mai, nous nous sommes rendus en personne dans les locaux de Deliveroo, avec les coursiers bruxellois, pendant les heures de consultation. Les représentants de Deliveroo se sont alors enfermés pendant deux heures afin de ne pas nous parler.
Bref, samedi soir une action et une grève plus que réussies ont eu lieu, tout le monde est d'accord là-dessus. En pratique, tous les coursiers auxquels nous avons parlés, y compris ceux qui ont travaillé (argent vraiment nécessaire/non informés/...), soutenaient l'action. Il y a donc un fort potentiel pour mener des actions encore plus importantes. Nous avons fait plus que demander un salaire plus élevé : nous avons montré que ce sont les coursiers qui font vraiment tourner des entreprises comme Deliveroo. Nous avons montré que nous pouvons faire du mal aux multinationales et que nous ne devons pas simplement tout avaler.