La condamnation de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité, avec exécution immédiate, est un séisme politique dont les répliques et les effets seront considérables. La veille de cette condamnation, un nouveau sondage plaçait Marine Le Pen loin devant tous ses concurrents à l’élection présidentielle. Aujourd’hui, la dirigeante du RN est écartée – peut-être définitivement – de la prochaine course à l’Elysée.

Pour les bénéficiaires du RSA, l’année commence très mal. Depuis le 1er janvier, leur inscription à France Travail est automatique. Auparavant, seuls 40 % d’entre eux y étaient inscrits. Cela représente l’ajout de 1,3 million de personnes dans les tuyaux de France Travail et des organismes de suivi (Cap emploi, mission locale, département, etc.), alors que toutes ces structures sont déjà en manque de moyens et de personnels.

Sauf coup de théâtre, le gouvernement Barnier tombera demain ou jeudi. Un nouveau sursis ne pourrait venir que d’un recul du RN ou du PS, à la dernière minute. Or ces deux partis n’auraient rien à y gagner – et beaucoup à y perdre.

Depuis que Marine Le Pen a confirmé son intention de voter la censure, les journalistes de droite qui le déplorent lancent toutes sortes d’accusations contradictoires. Les uns reprochent à Michel Barnier d’avoir trop cédé à Marine Le Pen – pour rien, au final. D’autres, à l’inverse, reprochent au gouvernement de n’avoir pas tout cédé au RN.

Le capitalisme français est entré dans une nouvelle phase de destruction massive d’emplois. Les annonces de fermetures et de plans sociaux se multiplient : Michelin, Auchan, ArcelorMittal – et bien d’autres. Selon la CGT, 150 000 emplois industriels sont menacés à court terme. En fermant des sites, les donneurs d’ordre provoquent des réactions en chaîne : les fournisseurs et sous-traitants déposent le bilan ou licencient, à leur tour.

Les résultats du deuxième tour des élections législatives ont suscité la joie et, surtout, le soulagement de millions d’électeurs qui redoutaient une victoire du RN.

Au lendemain du premier tour, Le Pen et Bardella s’y voyaient déjà. Ils composaient leur « futur » gouvernement ; des noms de « futurs » ministres fuitaient dans la presse. Confiants dans leur victoire, ils renvoyaient leur programme « social » aux calendes grecques. « Dans un premier temps », expliquaient-ils, ce sera l’austérité budgétaire et la retraite à 66 ans.

Les résultats du premier tour des élections législatives sont à peu près conformes à ce qu’annonçaient les sondages.

La participation (66,7 %) est beaucoup plus élevée qu’en 2022 (47,5 %). A qui cela a-t-il profité ? Pas aux macronistes, dont la défaite est à peine moins sévère qu’annoncé. La plus grande participation a profité au Nouveau Front Populaire et, plus encore, à l’extrême droite. C’est ce que montre la comparaison des résultats – en nombre de voix – de 2022 et 2024.

L’alliance RN-Ciotti a recueilli 10,6 millions de voix ; si l’on y ajoute le résultat de Reconquête, cela fait près de 10,9 millions de voix. En 2022, le total RN + Reconquête s’élevait à 5,2 millions de voix. Entre 2022 et 2024, l’extrême droite progresse donc de 5,7 millions de voix.

De son côté, la NUPES avait recueilli 5,8 millions de voix en 2022 ; le NFP en recueille 9 millions cette fois-ci. La « gauche unie » progresse donc de 3,2 millions de voix, quand l’extrême droite progresse de 5,7 millions de voix. La prise en compte des candidatures dissidentes du NFP n’y changerait pas grand-chose : la différence est très nette entre la dynamique de la gauche et celle de l’extrême droite, au profit de celle-ci.

C’était prévisible. Dans un récent article, nous écrivions à ce propos :

« Le NFP peut-il remporter les élections législatives et former le prochain gouvernement ? C’est possible, mais ce n’est pas le plus probable. Pour le comprendre, il faut lier l’arithmétique électorale aux dynamiques de classe qui en forment la base.

« La bourgeoisie et la petite bourgeoisie voteront massivement soit pour le RN, soit pour le “centre”, soit pour les Républicains “indépendants”. Cependant, cela ne représente qu’une petite minorité de l’électorat, qui pour le reste est constitué de jeunes et de travailleurs (actifs ou non). Pour qui voteront-ils ? Une large fraction de cet électorat – en particulier dans ses couches les plus exploitées et les plus opprimées – votera pour le RN ou s’abstiendra. […]

« On en connaît les raisons fondamentales : depuis 1981, divers gouvernements de gauche ont trahi les aspirations de ces couches sociales. Cela a joué un rôle central dans la montée en puissance du RN, qui a constamment élargi son électorat non seulement dans la petite bourgeoisie, mais aussi dans la classe ouvrière. Pendant des décennies, des millions de travailleurs ont constaté que l’alternance entre la droite et “la gauche” ne changeait strictement rien à leur situation. Sous la droite comme sous “la gauche”, ils étaient accablés par le chômage, les fermetures d’entreprises, la destruction des services publics, la précarité de l’emploi et bien d’autres maux, pendant qu’une infime minorité de la population accumulait des fortunes toujours plus indécentes.

« La dynamique électorale du RN vient donc de très loin – et elle ne peut être brisée que de deux manières. La plus douloureuse, c’est l’expérience d’un gouvernement du RN, dont la politique réactionnaire, pro-capitaliste, finirait par décevoir son électorat ouvrier. La plus combative, c’est le développement d’une alternative de gauche massive et suffisamment radicale pour susciter l’adhésion de millions de jeunes et de travailleurs qui, en l’absence d’une telle alternative, s’abstiennent ou se tournent vers la “radicalité” démagogique du RN – lequel, en outre, bénéficie d’un avantage décisif : il n’a jamais été au pouvoir.

Cet été, 30 sites accueilleront les athlètes et les spectateurs des Jeux Olympiques. Un certain nombre de sites existent déjà (Roland-Garros, Stade de France, etc.), mais d’autres ont été construits pour l’occasion. La Solidéo, qui est chargée de diriger ces travaux, déclare en toute confiance que les chantiers seront livrés à temps. Elle oublie seulement de préciser que cet optimisme se fonde sur une exploitation brutale – et très rentable – de travailleurs sans-papiers..

A l’appel de Macron et de son gouvernement, la grande majorité des députés macronistes ont joint leurs voix à celles des députés LR et RN pour faire adopter une « loi immigration » que Marine Le Pen peut à bon droit qualifier de « grande victoire idéologique » de son parti. A la tribune de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est efforcé de prouver le contraire en affirmant notamment que cette loi permettrait « 10 000 régularisations par an ». Ce disant, le ministre s’adressait à la dirigeante du RN – qui, en réponse, pouffait de rire.

En septembre de cette année, le gouvernement français a lancé une nouvelle offensive idéologique islamophobe. Il a décidé d’interdire l’abaya, un vêtement traditionnel arabe, dans les écoles. L’objectif affiché de cette mesure : lutter contre le communautarisme et faire respecter la « laïcité ». Mais il est de plus en plus flagrant pour tout le monde qu’il ne s’agit que d’une dérive raciste et d’une énième tentative de diversion pour éviter qu’en ce début d’année scolaire, les Français ne parlent des mauvaises conditions d’enseignement et du bilan catastrophique des politiques en la matière de l’ancien ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer.

 

Mais qu’est-ce que l’abaya exactement ?

Selon Euronews, il n'existe pas de texte religieux dans l'Islam qui exige le port de cette tenue. Le 9 février 2018, le cheikh saoudien Abdullah al-Mutlaq indique que le port de l'abaya ne fait pas partie des impératifs religieux pour les femmes musulmanes. Le 2 novembre 2022, le vice-président du Conseil français du culte musulman confirme que l'abaya n'est pas une tenue religieuse mais plutôt une forme de mode vestimentaire. Selon Le Petit Journal, elle est un habit traditionnel des Bédouins devenu plus tard dans la péninsule arabique un symbole religieux islamique valorisant la modestie de la femme, mais elle est aussi perçue comme un héritage culturel différent de la question religieuse.

Ce n’est donc pas un vêtement religieux et il a donc été très difficile pour les directeurs d’établissement scolaire et leur personnel de distinguer une abaya d’un autre vêtement. Ainsi en ce début d’année scolaire, les interdictions d’accéder à l’école se sont faites bien davantage au faciès que sur base du port de l’abaya. Par exemple une fille musulmane a été exclue momentanément de l’école publique car elle portait un pantalon noir et une veste à manche longue…

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Plus ou moins au même moment, lors du dîner de prestige organisé en grande pompe par Macron pour recevoir le roi d’Angleterre, les invités portaient des robes longues couvrant tout le corps et la France conservatrice entière était en admiration devant ce spectacle pourtant si onéreux.

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Lutter contre le communautarisme en excluant des jeunes de l’école ?

 

Il serait intéressant de demander aux représentants du gouvernement français comment ils comptent « lutter contre le communautarisme » en privant des jeunes filles d’un enseignement républicain, les isolant ainsi davantage ? Ou encore comment ils comptent « faire respecter la laïcité » en stigmatisant des musulmans ?

On pourrait aussi leur demander comment ils comptent lutter contre le sexisme et l’oppression des femmes en les privant d’éducation et en leur interdisant de s’habiller comme elles l’entendent ? Que ce soit l’interdiction des crop top ou de l’abaya, dans les deux cas c’est une atteinte aux libertés des femmes.

 

Mais alors pourquoi ?

Pourquoi donc alors le gouvernement bourgeois français sort cette carte hideuse de sa manche lors de la rentrée scolaire ? Car, comme il le fait régulièrement avec le burkini et le voile dans l’espace public, il tente de diviser les Français, de les monter les uns contre les autres pour éviter que ceux-ci ne voient ce qu’ils sont en train de faire grâce à leur système capitaliste exploiteur et inégalitaire. Cette fois-ci particulièrement, il s’agissait d’éviter de parler des vrais problèmes de l’Éducation nationale.

Et si beaucoup sont tombés dans le piège du racisme et de l’islamophobie, d’autres on été bien plus malins, comme certaines directrices d’établissement scolaire qui, alors qu’elles étaient invitées sur les plateaux télés pour répondre à des questions sur l’abaya, ont clairement et patiemment expliqué qu’elles n’étaient pas venues pour parler de cela car ce n’est en rien un problème, mais bien pour parler des problèmes actuels de l’enseignement public en France (qui sont les mêmes qu’en Belgique) : le manque de moyens alloués, le manque de professeurs et le nombre trop élevé d’élèves par classe (selon les sondages IPSOS, plus de la moitié des Français trouvent que l’enseignement « fonctionne mal »).

Et si ces personnes avaient eu davantage de temps de parole, peut-être auraient-elles aussi évoqué les conséquences désastreuses du manque de moyens des services publics en Outre-mer où les classes sont parfois de vraies fournaises l’été et dont certaines sont sujettes à des inondations, à des coupures de courant et aux parasites animaux tellement elles sont mal entretenues et délabrées, tandis que d’autres sont tellement mal desservies par le trop peu de transports en commun que beaucoup de famille rencontrent des difficultés pour s’y rendre. Une véritable « école en sous-France » comme certains l’appelle ironiquement… qui n’est donc même pas en mesure d’accueillir tous les enfants ultramarins puisqu’un certain nombre d’entre eux vivant trop loin et/ou dans des bidonvilles, restent déscolarisés…

 

La nécessité d’un monde socialiste

Finalement, c'est seulement 300 élèves, sur les 12 millions ayant fait leur rentrée cette semaine, qui se sont présentées en abaya devant leur établissement, et 67 d'entre elles ont refusé de la retirer, selon le ministère de l'Education nationale. Cela concerne donc extrêmement peu de personnes au regard du nombre d’enfants que va toucher le sous-financement des écoles publiques… Mais pour la bourgeoisie cette énième « polémique cancer » raciste est du pain béni, et elle le sait pertinemment.

Dans la continuité idéologique du gouvernement raciste français, une directrice de la Haute Ecole EPHEC à Bruxelles a elle aussi tenté d’importer ce débat chez nous en déclarant dans son discours de début d’année que ce vêtement devait être banni des écoles. Une pétition a alors été lancée et a recueilli +- 6 000 signatures pour protester et rappeler que ce genre de mesure va clairement à l’encontre du vivre ensemble.

Mais le mal est fait. Le simple que fait que ce genre de débat s’importe ici de plus en plus souvent montre bien que le système capitaliste a besoin du racisme et du sexisme (et des autres oppressions) pour exister et diviser les travailleurs en même temps qu’il permet aux dirigeants de la classe capitalistes de détourner, par exemple, le débat sur le manque criant de moyens financiers de l’enseignement belge vers d’autres sujets.

Seule une société de type socialiste permettra à la fois de fournir à l’éducation nationale suffisamment de moyens en même temps qu’elle permettra de lutter efficacement contre toute forme d’oppression spécifique en mettant au cœur de ses débats publics la nécessité d’être unis et solidaires dans nos luttes contre la bourgeoisie et le monde qu’elle nous impose. La banalisation et la généralisation de ces dérives racistes ne sont pas sans rappeler ce que les fascistes ont fait en leur temps et personne ne veut goûter à nouveau au lot de souffrances de ce type de société capitaliste, même ceux qui aujourd’hui se laissent gagner par les discours racistes (même s’ils l’ignorent encore).

Le meurtre de Nahel par un policier à Nanterre, mardi matin, suscite une puissante vague d’indignation et de colère à travers le pays. La vidéo est claire et nette : le policier a délibérément assassiné le jeune homme, qui ne menaçait personne. Ignorant qu’il avait été filmé, le policier a déclaré que Nahel menaçait de le tuer. C’est ce que font, sans cesse, des policiers qui se livrent à des « bavures » de toutes sortes : ils mentent, confiants dans la complicité des institutions policière et judiciaire.

Quelle qu’en soit l’ampleur, la quatorzième « journée d’action » contre la réforme des retraites, le 6 juin, n’aura pas plus d’effet sur le gouvernement que les 13 précédentes. Si Macron n’a pas vraiment obtenu « l’apaisement » qu’il réclamait, il peut estimer que, sur la réforme des retraites, il a sans doute remporté la partie, au moins provisoirement.

Les trois mois de méga-manifestations et de grèves ont été décrits par un quotidien français comme une véritable « levée en masse ». Cette « levée en masse » fait référence à la conscription massive lors de la révolution française de 1789 pour défendre le pays contre l'invasion militaire des puissances européennes conservatrices. La comparaison est un peu exagérée... mais elle décrit bien l'agitation rarement vue des travailleurs, jeunes et vieux, contre l'augmentation de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans.

Depuis 3 mois maintenant la lutte des classe en France attire l'attention partout en Europe et dans le monde. La classe ouvrière Française à mené des journées d'action contre la réforme des retraintes imposée par 49.3 par le gouvernement de Macron. Les mobilisations ont été très importantes et ont pu réunir jusqu'à 3 millions de personnes dans les rues de France.

La journée d’action contre la réforme des retraites, hier, a été riche en enseignements. En voici quelques-uns.

1) Avec plus 2 millions de personnes dans les rues à l’échelle nationale, la mobilisation est toujours très forte, surtout au regard du fait qu’il s’agissait de la dixième journée d’action organisée depuis le 19 janvier. A titre de comparaison, la CGT revendiquait le même nombre de manifestants lors de la dixième journée d’action du très puissant mouvement social de l’automne 2010.

Ces énormes réserves de colère et de combativité terrorisent la classe dirigeante. Sur la base d’une stratégie et de mots d’ordre beaucoup plus offensifs, les directions du mouvement syndical pourraient mobiliser pleinement ces réserves et infliger une défaite majeure au gouvernement, voire le renverser. Au lieu de cela, l’intersyndicale appelle à une onzième journée d’action le 6 avril, soit neuf jours après celle d’hier.

Cette stratégie est évidemment contre-productive. Quel message est envoyé aux travailleurs qui sont actuellement engagés dans des grèves reconductibles ? Sont-ils censés tenir jusqu’au 6 avril ? Le communiqué de l’intersyndicale ne dit pas un mot des grèves reconductibles. Il dit simplement soutenir « les grèves qui perdurent depuis janvier ». Pourtant, seul le développement des grèves reconductibles peut faire reculer le gouvernement.

Le fait est que les dirigeants de l’intersyndicale sont au moins aussi terrorisés que la classe dirigeante. Leur communiqué d’hier soir déplore « une situation de tensions dans le pays qui nous inquiète fortement », comme si l’intensification de la lutte des classes n’impliquait pas un certain développement des « tensions ». Le même communiqué s’alarme du « risque d’explosion sociale ». Et alors que le gouvernement se livre à une répression policière brutale des manifestations et des piquets de grève, l’intersyndicale lui demande poliment de « garantir la sécurité et le respect du droit de grève et de manifester ». Ce serait drôle si ce n’était pas aussi grave.

2) La jeunesse, hier, était très présente dans les cortèges. Le recours au 49.3 a nettement stimulé la mobilisation des étudiants et des lycéens, qui jusqu’alors étaient relativement passifs. C’est logique : la jeunesse a vécu le 49.3 comme une insulte aux principes démocratiques les plus élémentaires. Elle ne se mobilise pas seulement contre la réforme des retraites, mais contre un régime brutal, autoritaire et réactionnaire. Elle lutte pour une transformation radicale de la société.

Cette mobilisation de la jeunesse confirme ce que nous avons expliqué depuis le début du mouvement : si les directions syndicales élargissaient l’objectif de la lutte, si elles appelaient le peuple à se mobiliser contre l’ensemble de la politique du gouvernement – et pour un programme de rupture avec toutes les politiques d’austérité –, elles favoriseraient l’entrée dans l’action de nouvelles couches de jeunes et de travailleurs.

Ce point de vue est partagé dans de larges couches du mouvement. Par exemple, lors de l’Assemblée Générale inter-facs de Toulouse, lundi soir, les militants de Révolution ont défendu la motion suivante, qui a été adoptée par un vote des 800 étudiants et travailleurs présents : « L’assemblée générale inter-facs de Toulouse se joint aux travailleurs dans la lutte actuelle contre la réforme des retraites. Néanmoins, le recours au 49.3 a marqué un tournant dans le cours de cette lutte. Désormais, dans l’esprit d’un nombre croissant de jeunes et de travailleurs, la lutte contre la réforme se double d’une lutte contre le gouvernement Macron et l’ensemble de sa politique. Pour contribuer au succès du mouvement, la direction de l’intersyndicale ne doit plus se contenter d’exiger seulement le retrait de la réforme. Elle doit se doter d’un programme offensif défendant les intérêts des travailleurs et de la jeunesse. Ceci contribuera au développement du mouvement des grèves reconductibles, qui seul peut garantir notre victoire. »

3) Nous l’avons dit : la bourgeoisie est terrorisée par la puissance de ce mouvement. Mais elle n’en reste pas moins déterminée à imposer cette contre-réforme (et bien d’autres), car il y va de la compétitivité du capitalisme français, c’est-à-dire de ce que la grande bourgeoisie a de plus cher au monde : ses profits.

Ces derniers jours, les manœuvres se sont donc multipliées – du côté du gouvernement comme du côté des dirigeants de l’intersyndicale – pour tenter d’éteindre le volcan social. Cela prend la forme d’un très mauvais vaudeville. Macron a proposé aux dirigeants de l’intersyndicale de les rencontrer pour parler de tout ce qu’ils voudront – sauf de la réforme des retraites. De leur côté, les dirigeants de l’intersyndicale ont proposé de nommer une « médiation » – entre eux et le gouvernement – pour parler de la réforme des retraites. A quoi le gouvernement a répondu qu’ils n’avaient pas besoin d’une « médiation » pour se parler (de tout ce qu’ils voudront, sauf des retraites). Dans le même temps, l’intersyndicale a annoncé qu’elle allait, de nouveau, « écrire » à Macron. Et de son côté, Elisabeth Borne a écrit aux dirigeants de l’intersyndicale pour leur proposer un « entretien » ; Laurent Berger (CFDT) a déclaré qu’il allait s’y rendre pour parler à la Première ministre de ce dont elle ne veut pas entendre parler.

Tout ceci vise à démobiliser les travailleurs et à renouer le soi-disant « dialogue social » – c’est-à-dire la « négociation » des contre-réformes par les directions syndicales. La jeunesse et les travailleurs n’ont rien de bon à attendre de ces discussions entre le gouvernement et les directions syndicales qui s’y compromettraient. Ils ne doivent compter que sur leurs propres forces et l’organisation démocratique, à la base, de la lutte.

4) L’impasse de la stratégie des directions confédérales, depuis de nombreuses années, a trouvé une expression spectaculaire et extrêmement significative, hier, lors du Congrès de la CGT. Chose inédite, le « Rapport d’activité » de la direction sortante y a été rejeté par 50,3 % des délégués. C’est un énorme revers pour Philippe Martinez et la direction sortante en général. La polarisation interne à la CGT vient officiellement de franchir un nouveau seuil.

Le Congrès de la CGT se poursuivra jusqu’à vendredi. Il y aura très certainement de fortes répliques au séisme d’hier. Révolution réitère son soutien à l’aile gauche de la CGT (Unité CGT) et à son candidat au secrétariat général de la Confédération, Olivier Mateu.

Nous reviendrons plus longuement sur ce Congrès de la CGT, qui marque un point de rupture dans l’évolution de cette Confédération. Pour conclure, citons un extrait de la déclaration du 19 mars d’Unité CGT, qui tranche avec l’extrême modération des dirigeants de l’intersyndicale :

« Nous nous trouvons à un point de bascule. A trop tirer la corde, ils [Macron et son gouvernement] l’ont cassée. Alors disons les choses : désormais, le sujet n’est pas seulement que le rejet des 64 ans. Le sujet, c’est le retour aux 60 ans de départ à la retraite. C’est le SMIC à 2000 euros. C’est la renationalisation/expropriation des autoroutes, des industries, des biens du peuple spoliés. C’est l’abrogation des décrets antichomeurs, c’est la fin des aides aux entreprises, c’est la réponse à tous nos besoins sociaux. C’est un changement de régime. Cet ordre social n’a que trop duré. »

Absolument d’accord !

Le recours du gouvernement au 49.3, le 16 mars dernier, a marqué un tournant dans le développement de la lutte contre la réforme des retraites. Ce passage en force à l’Assemblée nationale a été vécu, à juste titre, comme une insulte et une provocation de plus – et même de trop – dans de larges couches de la population.

On savait que Macron et son gouvernement méprisaient les sondages signalant tous qu’une écrasante majorité de la population – dont plus de 90 % des actifs ! – est opposée à la réforme des retraites. On savait aussi que le pouvoir méprisait les multiples manifestations de masse et les grèves organisées contre cette réforme, depuis le 19 janvier. Le recours au 49.3 a souligné que Macron et sa clique méprisent aussi la soi-disant « représentation nationale », élue en juin dernier.

Pour ne rien arranger, la même « représentation nationale » n’a même pas été capable de répondre à l’insulte du gouvernement en adoptant une motion de censure qui l’aurait fait chuter. Toutes les institutions politiques sont donc discréditées aux yeux des masses.

En conséquence, la crise sociale se double désormais d’une profonde crise démocratique et politique, c’est-à-dire d’une remise en cause croissante – dans les têtes et dans les rues – du régime lui-même. Cette crise de régime n’est pas nouvelle, mais aujourd’hui elle éclate au grand jour.

A cet égard, il est significatif que le 49.3, puis le rejet de la motion de censure, ont nettement stimulé la mobilisation de la jeunesse étudiante et lycéenne, qui jusqu’alors était relativement passive. Les dizaines de milliers de jeunes qui se mobilisent chaque jour depuis le 16 mars, dans les grandes villes du pays, ne réclament pas seulement le retrait de la réforme des retraites. Ils réclament le respect et un avenir digne de ce nom, ce que ne pourra pas leur apporter ce gouvernement, ni surtout le système qu’il défend : le capitalisme.

De leur côté, Macron et son gouvernement sont très affaiblis par les développements de ces derniers jours. La popularité du chef de l’Etat, qui n’était pas bien haute, ne cesse de chuter. Elisabeth Borne et ses ministres sont autant de zombies politiques. Le pouvoir n’a plus aucun autre levier d’action que la répression brutale des grèves et des manifestations.

Dans ce contexte, la responsabilité des organisations de la gauche et du mouvement syndical est colossale. Leur action doit se déployer suivant au moins trois axes :

1) Elles doivent organiser et encadrer sérieusement des manifestations quotidiennes, dans toutes les villes du pays, ne serait-ce que pour protéger la jeunesse mobilisée de la répression policière et des arrestations qui s’intensifient depuis le 16 mars.

Si l’on veut éviter que des manifestations spontanées se soldent par d’innombrables coups de matraque et arrestations, comme c’est désormais le cas chaque soir, les organisations du mouvement ouvrier doivent organiser et protéger les manifestations. Dans le même temps, cela permettra à ces manifestations d’être beaucoup plus massives et d’unir, dans l’action, la jeunesse et les travailleurs.

2) La gauche et le mouvement ouvrier doivent élargir les mots d’ordre du combat. Exiger seulement le retrait de la réforme des retraites ne suffit pas. Pour favoriser la mobilisation de nouvelles couches de jeunes et de travailleurs, il faut avancer une série de revendications offensives, couronnées par l’objectif de renverser le gouvernement Macron – qui travaille pour une poignée de grands capitalistes – et de le remplacer par un gouvernement au service des travailleurs.

Comme l’écrivaient les camarades d’Unité CGT, le 19 mars : « Nous nous trouvons à un point de bascule. A trop tirer la corde, ils [Macron et son gouvernement] l’ont cassée. Alors disons les choses : désormais, le sujet n’est pas seulement que le rejet des 64 ans. Le sujet, c’est le retour aux 60 ans de départ à la retraite. C’est le SMIC à 2000 euros. C’est la renationalisation/expropriation des autoroutes, des industries, des biens du peuple spoliés. C’est l’abrogation des décrets antichomeurs, c’est la fin des aides aux entreprises, c’est la réponse à tous nos besoins sociaux. C’est un changement de régime. Cet ordre social n’a que trop duré. » Absolument d’accord !

3) Sur cette base, la gauche et le mouvement syndical doivent jeter toutes leurs forces dans l’organisation d’Assemblées Générales aussi massives que possible, dans les entreprises, pour y mettre à l’ordre du jour des grèves reconductibles. Dès que c’est possible, des Assemblées Générales interprofessionnelles doivent se tenir pour, par exemple, organiser les mobilisations contre les réquisitions et les offensives des CRS sur les piquets de grève. Sur les facs, les AG étudiantes doivent se mettre à la disposition du mouvement ouvrier pour contribuer à la défense des piquets de grève et à l’extension des grèves reconductibles.

Les secteurs qui sont à l’avant-garde du mouvement de grèves reconductibles – et notamment les travailleurs du pétrole – ne pourront pas tenir indéfiniment sans une extension rapide de ces grèves à d’autres secteurs clés de l’économie. Réciproquement, si cette extension a lieu, le pays entrera dans une nouvelle phase de la lutte qui mettra à l’ordre du jour non seulement le retrait de la réforme des retraites, mais le renversement du gouvernement des riches, l’abrogation de toutes les contre-réformes des vingt dernières années – et la mise en place d’un gouvernement au service des travailleurs et de toutes les couches opprimées de la population.

Pour la onzième fois en l’espace de dix mois, le gouvernement d’Elisabeth Borne a eu recours au 49.3. Mais cette fois-ci, évidemment, ce n’est pas passé inaperçu. Dans les heures qui ont suivi l’annonce de la Première ministre, des milliers de personnes se rassemblaient place de la Concorde, à Paris, pour dénoncer ce passage en force. Des rassemblements spontanés ont eu lieu dans d’autres villes.

Le 53e Congrès de la CGT se tiendra fin mars. Cette confédération syndicale occupe une position centrale dans le mouvement ouvrier français. Elle est à fois la plus puissante et la plus militante, comme le souligne son rôle dans la mobilisation actuelle contre la « réforme » des retraites.

La mobilisation contre la réforme des retraites entre dans une phase décisive. Toutes les journées d’action, depuis celle du 19 janvier, ont confirmé l’ampleur de l’opposition au projet du gouvernement et, au-delà, à l’ensemble de sa politique. Mais comme nous l’avions anticipé, ces mobilisations de 24 heures ne pouvaient pas, à elles seules, faire reculer Macron sur ce qui constitue le cœur de son offensive : le report de l’âge du départ à la retraite, l’augmentation de la durée de cotisation et la suppression des régimes spéciaux.

Cet édito de Révolution paraît l'avant-veille de la journée d’action du 31 janvier contre la « réforme » des retraites. Il est possible qu’elle soit encore plus importante que le 19 janvier. Mais quelle qu’en soit l’ampleur, une chose est sûre : elle ne permettra pas, à elle seule, de faire reculer le gouvernement sur toute la ligne.

Il y a une semaine sortait dans les magasins français un jeu de société abordant de façon ludique la question de l’antifascisme, de l’antiracisme, de l’antisexisme et de l’antihomophobie, son nom : « Antifa : le jeu ». Son but avoué est de sensibiliser les joueurs sur les questions d’oppressions systémiques qui existent actuellement dans la société capitaliste.

En deux semaines, la grève des travailleurs des raffineries a fait nettement bondir la température sociale. Une fois de plus, les grévistes nous rappellent que pas une roue ne tourne, dans le pays, sans l’aimable permission de la classe ouvrière. A l’inverse, si les PDG et les grands actionnaires de Total et Exxon disparaissaient pendant 15 jours (et même davantage), cela passerait totalement inaperçu.

Une fois de plus, les résultats du deuxième tour d’une élection législative s’écartent très nettement des « projections » publiées par les sondeurs, en amont du scrutin. Aucun n’avait anticipé un aussi mauvais résultat pour LREM, qui manque la majorité absolue de 43 sièges. Et pour cause : aucun n’avait anticipé le résultat du RN, qui entre en force à l’Assemblée nationale (89 sièges). Les deux faits sont liés : face au RN, les candidats de LREM ont perdu beaucoup plus de duels que « prévu ». Mais la NUPES, elle aussi, en a perdu davantage qu’anticipé, face au RN.

Pour LREM, le premier tour des législatives était un net revers ; le deuxième est une défaite, voire une débâcle. Macron tablait sur une majorité absolue ou, a minima, sur une majorité relative suffisamment forte pour lui permettre de faire voter ses textes en s’appuyant sur une fraction des députés Républicains, qui sont divisés sur l’attitude à adopter à l’égard du gouvernement. Mais à 43 sièges de la majorité absolue, et avec seulement 64 députés Républicains ou UDI, les choses s’annoncent beaucoup plus compliquées pour le chef de l’Etat.

Dans les jours qui viennent, les tractations vont aller bon train, depuis l’Elysée, pour tenter de dégager un semblant de majorité parlementaire. D’éclatantes promotions seront proposées aux uns et aux autres. Reste à savoir quels députés Républicains (notamment) auront le cœur de s’embarquer dans la galère d’un gouvernement qui, dès sa formation, sera très fragilisé – non seulement à l’Assemblée nationale, mais aussi et surtout dans la masse de la population.

L’abstention s’élève à 53,8 %, auxquels s’ajoutent 3,5 % de votes blancs ou nuls. Seuls 42,7 % des inscrits ont voté pour l’un des candidats en lice. Autrement dit, si le gouvernement est minoritaire à l’Assemblée nationale, il l’est bien plus encore dans la population, et surtout dans la masse de la jeunesse et du salariat. En retour, la fragilité du gouvernement, à l’Assemblée nationale, aura pour effet d’encourager la jeunesse et les travailleurs à se mobiliser contre la politique réactionnaire de Macron. Du point de vue de la bourgeoisie française, qui a urgemment besoin de contre-réformes drastiques, c’est une très mauvaise nouvelle. Aussi exercera-t-elle de fortes pressions sur LREM et les Républicains pour qu’ils parviennent à constituer une sorte de majorité parlementaire. Mais la fracturation de l’Assemblée nationale, la soif de revanche des Républicains et le profond rejet de Macron, dans la masse de la population, sont tels que l’équation semble beaucoup plus compliquée que prévu.

Avec 142 députés, les résultats de la NUPES se situent dans la « tranche basse » des projections publiées par les sondeurs, la semaine dernière. Bien sûr, à la faveur de l’accord de premier tour entre la FI, le PS, les Verts et le PCF, cela se traduit tout de même par une forte progression en nombre de sièges, surtout pour la FI et les Verts. Du point de vue des luttes à venir contre la politique du gouvernement, la percée de la FI (84 sièges) peut être une très bonne nouvelle. Cependant, au regard des 7,7 millions de voix recueillies par Jean-Luc Mélenchon, le 10 avril dernier, le succès de la NUPES doit être relativisé.

Comme nous l’avons souligné en analysant son résultat en nombre de voix, la NUPES n’a pas suscité de dynamique électorale au premier tour. Force est de constater qu’elle n’en a pas suscité davantage au deuxième. Nous analyserons ultérieurement le détail de ses résultats, notamment en fonction des types de duels dans lesquels elle était engagée. Mais d’ores et déjà, deux faits majeurs sautent aux yeux. Premièrement, malgré les appels des dirigeants de la NUPES, dans l’entre-deux tours, les abstentionnistes du premier tour ne se sont pas mobilisés. Deuxièmement, nous l’avons dit : la NUPES perd un nombre significatif de ses duels face au RN.

Révolution a appelé à voter pour la NUPES, qui était la seule alternative à la droite et l’extrême droite. Mais nous avions prévenu que cette union de la FI avec des partis discrédités ne pouvait pas susciter d’enthousiasme dans les couches les plus exploitées et opprimées de la population. Par ailleurs, nous avions souligné que le soi-disant « front républicain contre le RN », dans l’entre-deux tours de la présidentielle, ne pouvait que renforcer le RN, au lieu de l’affaiblir. Les résultats des législatives le confirment. Dimanche, d’ailleurs, le soi-disant « front républicain » a volé en éclat. Ceci dit, au-delà de l’erreur du « front républicain », le succès du RN confirme une tendance lourde, qui ne date pas d’hier : la polarisation politique croissante – vers la gauche et vers la droite. Si cette polarisation s’exprime plus nettement vers la droite, aux législatives, c’est parce que la NUPES, dans sa composition même, n’était pas le véhicule idéal pour que la polarisation s’exprime clairement sur la gauche.

Un profond remaniement ministériel est à l’ordre du jour. Mais avant même de voir le jour, le prochain gouvernement est déjà en crise. Encore une fois, la jeunesse et les travailleurs verront dans cette faiblesse du pouvoir un encouragement à se mobiliser contre la politique réactionnaire qu’exige la bourgeoisie. Dans ce contexte, les dirigeants de la gauche et du mouvement syndical – en particulier ceux de la FI et de la CGT – font face à d’énormes responsabilités. Dès à présent, ils doivent préparer de grandes luttes sociales, non seulement pour faire obstacle à la politique réactionnaire du gouvernement Macron, mais aussi dans le but de précipiter sa chute et son remplacement par un gouvernement de gauche doté d’un programme de rupture avec le système capitaliste. Nous sommes conscients du fait que telle n’est pas, à ce jour, l’orientation des dirigeants de la FI et de la confédération de la CGT. Mais c’est l’orientation que Révolution défendra dans les mois qui viennent, car c’est la seule qui corresponde aux besoins objectifs de la jeunesse et du mouvement ouvrier, sur fond de profonde crise économique, sociale et environnementale.

Le premier tour des élections législatives a été marqué par un nouveau record de l’abstention lors de ce scrutin : 52,5 %, contre 51,3 % en 2017 et 42,8 % en 2012. Lorsqu’elle atteint un tel niveau, l’abstention devient l’élément le plus significatif du résultat.

La NUPES suscite l’adhésion de millions de jeunes et de travailleurs. Ils considèrent cette alliance électorale comme la seule possibilité de battre la droite aux élections législatives – ou, au minimum, comme un bon moyen de renforcer l’opposition de gauche au sein de la prochaine Assemblée nationale, et en particulier le groupe parlementaire de la FI.

Par ailleurs, les « accords » constitutifs de la NUPES reprennent plusieurs mesures clés du programme officiel de la FI (sur les retraites, le Smic, le blocage des prix, etc.) Sur ce plan, l’alliance apparaît donc aux électeurs de Mélenchon comme un prolongement direct du programme officiel de la FI, L’Avenir en commun. Ainsi, la NUPES n’ouvrirait pas seulement la perspective de battre la droite ; elle ouvrirait aussi, et surtout, la perspective d’un gouvernement de gauche qui – à la différence de celui de François Hollande (2012-2017) – engagerait une véritable politique de réformes sociales progressistes.

Révolution est évidemment favorable à la défaite de la droite et de l’extrême droite, les 12 et 19 juin prochains. Nous appelons nos lecteurs à voter pour les candidats de la NUPES. Cependant, cette alliance soulève un certain nombre de problèmes qui ne sont pas du tout secondaires.

Réformisme

En amont de l’élection présidentielle, Révolution a appelé à se mobiliser autour du candidat de la FI. Comme en 2017, notre soutien avait un caractère critique. Comme organisation marxiste, nous avons de nombreuses divergences avec les idées et le programme de la FI. Nous en avons donné un aperçu dans une brochure. Son argument central peut se résumer ainsi : un gouvernement de la FI serait immédiatement confronté à d’énormes pressions de la classe dirigeante française – et internationale – pour qu’il renonce à son programme de réformes sociales. Face à ces pressions colossales, un gouvernement de la FI ferait rapidement face à deux options : soit capituler, c’est-à-dire renoncer à la mise en œuvre de son programme (comme l’a fait Tsipras en Grèce, en 2015) – soit, au contraire, passer à l’offensive, c’est-à-dire engager une politique de rupture avec le système capitaliste en nationalisant tous les grands leviers de l’économie, sous le contrôle démocratique des salariés.

La carence majeure de L’Avenir en commun réside précisément dans le fait de ne pas tenir compte de cette alternative. Il ne vise pas la rupture avec le système capitaliste. Dès lors, un gouvernement de la FI serait vulnérable aux pressions – inévitables et implacables – de la classe dirigeante.

Ce qui vaut pour un gouvernement de la FI – appuyé sur une majorité de députés « insoumis » – vaut aussi, à plus forte raison, dans l’hypothèse d’un gouvernement de la NUPES, dont la majorité parlementaire serait composée non seulement de députés de la FI, mais également de députés du PS et d’EELV. En effet, si L’Avenir en commun n’envisage pas de rompre avec le capitalisme, les dirigeants du PS et des Verts l’envisagent encore moins. Le PS et les Verts représentent l’aile droite du réformisme : toute leur politique se déploie strictement – et fermement – dans les étroites limites du système capitaliste.

Olivier Faure, Julien Bayou et compagnie considèrent l’économie de marché et la grande propriété capitaliste comme d’implacables nécessités avec lesquelles il faut composer. Et comme la bourgeoisie exige des contre-réformes drastiques, sur fond de crise économique et de déclin du capitalisme français, les dirigeants des Verts et du PS n’osent pas proposer de sérieuses réformes progressistes. Leur véritable programme – celui qu’ils ont défendu pour l’élection présidentielle – est extrêmement modéré. Lorsqu’ils sont au pouvoir, ils abandonnent la plupart de leurs réformes archi-modérées et mènent une politique de contre-réformes, sous la dictée du Medef. Le gouvernement de François Hollande en fut une illustration limpide.

La fragilité de l’« accord »

Il est vrai que pour constituer la NUPES, les dirigeants des Verts et du PS ont dû signer des « accords » dont le contenu programmatique est plus à gauche que les programmes présidentiels de Jadot et Hidalgo. Cependant, l’unique raison de ce « virage à gauche » est évidente : sans la NUPES, le PS et les Verts auraient subi une déroute aux élections législatives, compte tenu de leurs scores respectifs à la présidentielle (1,7 % et 4,6 %) et du score de la FI (22 %). La NUPES offre aux Verts et au PS de bien meilleures perspectives, en termes de sièges « gagnables », que n’en aurait offertes une campagne sans alliance nationale avec la FI, dès le premier tour.

Lors des négociations avec les Verts et le PS, la direction de la FI était donc en position de force pour les contraindre de signer des « accords » contenant plusieurs mesures clés de L’Avenir en commun. [1] Cependant, supposons que la NUPES remporte les élections législatives. La classe dirigeante s’opposera immédiatement, et très fermement, à la mise en œuvre de son programme. Elle exercera différents types de pressions, notamment économiques : chantage à l’emploi, fuite des capitaux, etc. De l’Elysée, Macron fera tout ce qui est en son pouvoir pour s’opposer aux réformes sociales du gouvernement. Enfin, la pression de la classe dirigeante trouvera de solides relais parmi les députés Verts et PS. Forts de leur poids dans la majorité parlementaire, ces derniers seront en position d’exiger de la FI qu’elle renonce à la mise en œuvre de son programme. Autrement dit, la pression de la bourgeoisie trouvera une expression directe dans cette composante de la majorité parlementaire.

Pour éviter la fracturation de cette majorité, et donc la chute du gouvernement, la FI serait poussée à réviser à la baisse ses objectifs programmatiques. Mais la pression de la bourgeoisie ne cesserait pas de s’exercer : elle exigerait sans cesse de nouvelles concessions, ce qui entraînerait la FI sur la trajectoire parcourue par Podemos, en Espagne, dans le cadre de sa participation au gouvernement du PSOE. A force de concessions programmatiques, Podemos a détruit une bonne partie du soutien qu’il avait conquis dans les couches les plus radicalisées de la jeunesse et de la classe ouvrière espagnoles.

On pourrait nous objecter que le PSOE, en Espagne, compte beaucoup plus de députés que Podemos, alors que la FI s’est réservée une large majorité des sièges « gagnables ». Mais cela ne règle pas le problème que nous soulevons, car en vertu de l’accord constitutif de la NUPES, il est absolument exclu que les députés de la FI soient majoritaires à l’Assemblée nationale, en juin prochain. Si la NUPES remporte les élections, la majorité parlementaire dépendra, mathématiquement, des députés du PS et des Verts. Or, une fois élus, ces derniers évoqueront des circonstances « impérieuses » pour remettre en cause le programme de la NUPES.

Nous ne sommes pas opposés à tout type d’accord de la FI avec le PS et les Verts. Par exemple, des accords de désistement, au deuxième tour, auraient pu être justifiés dans certains cas. Mais l’ampleur de l’accord constitutif de la NUPES place la FI dans une situation telle que, si elle dirige le prochain gouvernement, elle subira des pressions droitières venant d’une fraction décisive de sa propre majorité. C’est la raison fondamentale de notre opposition à cet accord.

Démobilisation

Ceci dit, une victoire de la NUPES est loin d’être évidente. Dans la masse de la jeunesse et du salariat, le PS et les Verts sont énormément discrédités. Il est vrai que des millions d’entre eux voteront quand même pour la NUPES, car celle-ci est dominée par la FI et reprend des mesures clés de son programme. Mais il est possible qu’une importante fraction de la jeunesse et du salariat s’abstienne – ou, comme à la présidentielle, vote pour le RN.

C’est l’autre problème que pose la NUPES : une alliance avec les Verts et le PS n’est pas de nature à mobiliser les millions d’exploités et d’opprimés qui, face aux trahisons successives de ces deux partis, se sont réfugiés dans l’abstention ou dans le vote RN. Par ailleurs, une fraction de l’électorat de Mélenchon à la présidentielle se démobilisera, pour les mêmes raisons. Compte tenu de la lamentable campagne présidentielle de Fabien Roussel, même la participation du PCF à la NUPES n’est pas de nature à susciter beaucoup d’enthousiasme dans l’électorat de Mélenchon.

Sur le terrain, on constate une certaine démobilisation des militants de la FI dans des circonscriptions qui ont été attribuées au PS, aux Verts et au PCF. C’était prévisible.

Electoralisme

Parmi les militants de la FI circule un argument « pragmatique » qui peut se formuler ainsi : « Certes, la NUPES ne suscite peut-être pas un enthousiasme général, en particulier dans les 220 circonscriptions réservées au PS, aux Verts et au PCF. Mais grâce à cet accord, la FI remportera davantage de sièges qu’elle n’en aurait gagnés à l’issue d’une campagne électorale menée sous son propre drapeau. Tactiquement, c’est bien joué ». Cela ne nous semble pas évident. Compte tenu des scores respectifs des composantes de la NUPES à l’élection présidentielle, une campagne radicale de la FI, sous son propre drapeau, aurait certainement obtenu de bons résultats.

Mais l’essentiel est ailleurs. Même si on le suppose exact, le calcul « pragmatique » en question pose problème : il subordonne entièrement la stratégie de la FI au seul et unique objectif d’obtenir un maximum de députés – à l’exclusion de toute autre considération. Or il y a bien d’autres considérations en jeu dans la lutte contre la droite et la classe dirigeante.

Premièrement, la NUPES affaiblit la FI sur le plan organisationnel : dans les circonscriptions réservées à ses partenaires, de nombreux militants jettent l’éponge. C’est d’autant plus regrettable que la FI a enregistré une vague d’adhésions significative avant et après le premier tour de la présidentielle.

Deuxièmement, la NUPES est un obstacle à la progression de la FI parmi les millions de travailleurs, de chômeurs et de pauvres qui, suite aux trahisons de la « vieille gauche », s’abstiennent ou votent pour le RN.

Enfin, la direction de la FI devrait expliquer la nécessité de préparer de grandes mobilisations sociales sous la forme de manifestations et de grèves, sans lesquelles aucune victoire de notre classe ne sera possible.

[1] Le plus significatif, à cet égard, ce n’est pas ce que les Verts et le PS ont accepté de signer ; c’est plutôt la résistance qu’ils ont opposée à certaines formulations de la FI. Par exemple, dans l’accord signé avec le PS, la « planification écologique » a été transformée en « démarche de planification ». Pour le dirigeant « socialiste » moyen, l’idée de « planification » évoque un monde infernal dans lequel l’économie de marché ne pourrait plus se déployer librement. La « démarche » vers l’enfer ouvre au moins la possibilité de faire demi-tour avant d’en franchir le seuil.

À mesure que les résultats des élections présidentielles françaises étaient publiés, on pouvait sentir que les nerfs se calmaient dans les conseils d’administration des entreprises, non seulement en France, mais dans toute l’Europe et au-delà. Les messages de félicitations des présidents et des premiers ministres ont afflué. Comme le commente le Financial Times : « Les alliés européens et de l’OTAN de la France ont poussé un soupir de soulagement après la victoire très nette d’Emmanuel Macron sur son adversaire d’extrême droite Marine Le Pen lors du dernier tour de l’élection présidentielle dimanche. Le statut de la France en tant que pilier de l’UE et contributrice importante à l’OTAN dans son soutien à l’Ukraine contre la Russie a été assuré pour cinq années supplémentaires. »

Dans son discours de victoire, Emmanuel Macron a annoncé qu’il n’était plus « le candidat » mais le « président de tous les Français ». Comme cela doit sonner creux pour l’immense majorité des travailleurs et des jeunes français qui n’ont pas voté pour lui et le détestent ardemment! En 2017, il avait promis de « travailler pour tout le monde ». Par tout le monde, il entendait clairement tous les riches! Ses objectifs étaient de stimuler l’investissement et de construire un « nouveau modèle de croissance ». Concrètement, cela s’est traduit par des réductions massives des dépenses publiques, dont une partie a consisté à réduire le nombre de fonctionnaires par dizaines de milliers. Il s’est également donné le mandat d’accroître la « flexibilité » du marché du travail, c’est-à-dire d’attaquer les droits des travailleurs.

Il a mené des politiques qui ont frappé les travailleurs, parmi lesquelles un assaut constant et implacable contre les retraites, dans le but de forcer les travailleurs français à travailler plus longtemps avant de pouvoir prendre leur retraite. La haine ressentie à l’égard de cet agent du capital financier était telle que nous avons assisté à une expression massive et généralisée de colère, sous la forme du mouvement des Gilets Jaunes, moins d’un an après son arrivée au pouvoir la première fois.

La haine des institutions grandit

Les résultats de cette course à deux cachent en fait la véritable situation sur le terrain. Le véritable équilibre des forces en France s’est exprimé lors du premier tour, et il convient de se pencher sur ces résultats pour faire ressortir ce qui se passe réellement en France.

Ces résultats montrent que Macron a remporté un peu moins de 28% des suffrages exprimés. Mais 28% de l’électorat n’a pas pris la peine de voter, et si l’on ajoute les bulletins blancs et nuls, le chiffre atteint 34%. Nous avons ensuite assisté au plus haut niveau d’abstention pour le second tour d’une élection présidentielle depuis plus de 50 ans.

Par conséquent, le soutien actif réel de Macron (ce qu’il a reçu au premier tour) représente à peine 20% de l’électorat total de la France, ce qui confirme que la grande majorité des Français ne le considèrent pas du tout comme « leur président ».

Ce que nous avons vu au premier tour était précisément le contraire de ce que les médias essaient de nous vendre maintenant. Plutôt qu’une unité nationale, nous avons un processus clair de polarisation de la société à gauche et à droite, et une méfiance généralisée envers l’establishment. Plutôt qu’une stabilité sociale, cela indique une instabilité croissante, qui se révélera dans la période à venir.

Le fait est que le second tour aurait pu être très différent – il aurait pu s’agir d’un second tour entre la gauche et Macron. Seule une poignée de voix a fait pencher la balance en faveur de Le Pen. Elle a obtenu 23,2% des voix (à peine 16% de l’électorat total) et aurait pu être battue par Mélenchon, qui a obtenu 22% des voix, si la gauche avait présenté un seul candidat. Les votes combinés du Parti communiste et de deux petites formations de gauche (le Nouveau parti anticapitaliste et Lutte ouvrière) se sont élevés à 3,7%. Si ces derniers s’étaient retirés et avaient appelé leurs partisans à voter pour Mélenchon, Macron aurait peut-être tenu un discours très différent hier soir.

À droite, Le Pen a également crié victoire, et en effet, par rapport aux élections précédentes, elle a fait beaucoup mieux. Si l’on considère qu’en 2002, son père, Jean-Marie Le Pen, a perdu contre Chirac au second tour à 82% contre 18%, et que plus récemment, en 2017, Marine Le Pen a perdu contre Macron à 66% contre 34%, les 42% d’hier peuvent être considérés comme une grande amélioration. Cependant, ce résultat cache également ce qui se passe réellement.

Deux candidats bourgeois

En raison de l’échec de la gauche, l’électorat français s’est retrouvé avec deux candidats bourgeois, l’un étant le représentant détesté des riches, un soi-disant libéral, et l’autre une nationaliste raciste connue pour attiser ses discours anti-immigrants. L’ironie de la situation, bien sûr, est que Macron a lui-même mis en œuvre des politiques anti-immigrants. Lors de la campagne électorale de 2017, il a promis de renforcer le nombre de gardes-frontières, de rendre plus difficile l’obtention de la nationalité française pour les immigrants et de rapatrier immédiatement les demandeurs d’asile déboutés. Voilà pour l’homme de la France « raisonnable, décente, civilisée »!

Face à ce choix, beaucoup se sont abstenus ou ont voté en se bouchant le nez. En fait, plus de personnes se sont abstenues (13,6 millions) que de personnes ont voté pour Le Pen (13,3 millions). En outre, comme nous l’avons vu, plus de trois millions (8,5%) de personnes qui sont allées voter ont décidé d’annuler leur bulletin ou de voter blanc. 

Il faut aussi regarder de plus près ceux qui ont voté pour Le Pen. Parmi eux, il y a une couche qui a voté contre Macron, plutôt que pour Le Pen – de la même manière que beaucoup ont voté contre Le Pen, plutôt que pour Macron. Le Pen était consciente de cela et a mis l’accent de sa campagne électorale davantage sur les questions qui concernaient les travailleurs, comme le projet de Macron d’augmenter l’âge de la retraite à 65 ans et la crise du coût de la vie. Cela a dû trouver un écho auprès de nombreux électeurs français.

En fait, un sondage d’opinion IPSOS pour Le Parisien a révélé comment, parmi les personnes qui ont voté au second tour, Macron a gagné parmi les cadres et les professions libérales, ainsi que parmi ceux qui gagnent plus de 3000 euros par mois, tandis que Le Pen a remporté une majorité parmi les cols bleus et blancs, ainsi que parmi ceux qui gagnent moins de 1250 euros par mois. 

Ces électeurs auraient pu être gagnés par Mélenchon, mais n’auraient jamais voté pour Macron. Si Mélenchon avait présenté un programme plus combatif, et si la gauche avait présenté un front uni, qui peut douter qu’il aurait pu battre Macron au second tour?

Macron est de nouveau aux commandes, mais il doit affronter les élections législatives de juin, qui pourraient se dérouler très différemment pour lui. Là, le choix ne sera pas celui, peu appétissant, entre un libéral bourgeois ou une conservatrice bourgeoise de droite. Le résultat de ces élections déterminera la composition du gouvernement sur lequel Macron devra s’appuyer pour réaliser son « chamboulement sans précédent de l’État-providence français », comme le dit Reuters.

Normalement, le président nouvellement élu est capable d’obtenir une majorité au Parlement, car l’abstention est généralement plus forte parmi ceux qui n’ont pas voté pour lui lors des élections présidentielles. Mais compte tenu de la colère des 57% qui ont voté soit pour les candidats à sa droite, soit pour ceux à sa gauche, il n’est pas certain que Macron obtienne la solide majorité parlementaire dont il a besoin pour faire passer son programme draconien. Il pourrait se retrouver avec un parlement fragmenté, ce qui ajouterait à son manque évident d’autorité.

Les analystes de la classe dirigeante sont très inquiets. Macron était censé inaugurer une nouvelle ère de politique libérale. Mais en fait, il a détruit les partis traditionnels de droite et de gauche sur lesquels reposait la stabilité du système, et maintenant il a détruit sa propre crédibilité, disent-ils – ce qui rendra plus difficile sa tâche de faire passer progressivement l’âge de la retraite de 62 à 65 ans, ainsi que de mener à bien toutes ses autres politiques anti-ouvrières. 

La période la plus mouvementée de l’histoire de la France se prépare

Cela signifie que plutôt que la paix et la stabilité sociale, le second mandat de Macron déclenchera une vague de mécontentement encore plus grande que son premier mandat. Toute période de lune de miel immédiate sera très courte, si tant est qu’elle existe. En plus de la question des retraites, il y a le coût de la vie. L’inflation a atteint 4,5% en mars, le taux le plus élevé depuis 1985, et la hausse vertigineuse des prix du gaz, de l’électricité et du carburant frappe des millions de familles modestes à travers la France. En 2018, la hausse du prix du carburant a déclenché la rébellion des Gilets jaunes. Ce n’était qu’un avant-goût de ce qui nous attend dans la prochaine période. 

Mais que se passera-t-il sur le front électoral? Il est évident que le retour de Macron au pouvoir signifiera une nouvelle érosion de sa base électorale. Il préparera le terrain pour une polarisation encore plus forte de la société française, tant à gauche qu’à droite. Dans ces conditions, Le Pen pourrait même gagner la prochaine fois, ce qui poserait un sérieux problème à l’establishment français et européen. Le Pen au pouvoir pourrait devenir un élément déstabilisateur majeur au sein de l’Union européenne, cherchant à placer les intérêts nationaux français au-dessus de ceux de leurs partenaires européens.

Les bourgeois européens veulent poursuivre leur politique de démantèlement de l’État-providence dans tous les pays européens, de privatisation de ce qui reste de la propriété publique, de destruction des systèmes de santé afin de promouvoir les intérêts privés, et généralement de destruction du peu qui reste des conquêtes de la classe ouvrière, mais sans la lutte des classes et l’instabilité sociale que tout cela implique. Pour l’instant, leur homme est Macron.

Le Pen n’est pas l’amie de la classe ouvrière française, et si elle accédait au pouvoir, cela deviendrait tout à fait clair. Elle abandonnerait très rapidement toutes les promesses faites aux travailleurs français et appliquerait plus ou moins le même programme que Macron en matière de droits des travailleurs, de dépenses publiques et ainsi de suite, mais il serait parsemé de rhétorique raciste et de politiques anti-immigrants.

Lors de la récente campagne électorale, sentant l’humeur colérique de larges couches de travailleurs aujourd’hui, elle a déplacé sa propagande vers des questions telles que les retraites et l’inflation. L’un de ses slogans était « Rendre l’argent aux Français » et elle a promis de protéger les gens de l’inflation et de réduire les impôts. Bien sûr, elle a combiné cela avec du vitriol raciste contre les immigrants. Elle parle de contrôler davantage l’immigration, de « patriotisme économique », de protectionnisme « rationnel et raisonnable », de donner la priorité aux Français dans les logements sociaux et les emplois, et elle évoque l’idée de supprimer les allocations aux immigrés, ainsi que l’interdiction du voile en public. Son message aux Français est que les problèmes de la France sont dus à la présence de trop d’immigrés, et que par conséquent, pour défendre les intérêts des travailleurs français, il faut s’attaquer à ceux des immigrants. Son objectif est clairement de diviser les travailleurs français dans l’espoir de les affaiblir en tant que force.

Son nationalisme est également considéré par l’establishment comme une menace pour le capital européen. Ses appels à protéger l’industrie française, à placer la loi française au-dessus des lois de l’Union européenne, à se retirer du commandement central de l’OTAN, ont suscité l’inquiétude des commentateurs bourgeois sérieux et des gouvernements à travers l’Europe. La France est un acteur clé de l’Union européenne avec l’Allemagne, et voir la France s’engager dans une voie similaire à celle empruntée par Boris Johnson en Grande-Bretagne, et avant lui par Trump aux États-Unis, soulevait la perspective d’un éclatement de la cohésion au sommet de l’UE. C’est ce qu’ils craignaient d’une éventuelle victoire de Le Pen, mais ce danger n’a pas été éliminé, il a simplement été repoussé à plus tard.

Les tâches de la gauche française

La polarisation ne signifie cependant pas qu’une victoire de Le Pen est acquise aux prochaines élections présidentielles. Nous avons vu comment, aujourd’hui encore, la gauche en France aurait pu gagner. Elle va continuer à se renforcer dans la période à venir. Mais sa force ne découlera pas de quelque habile manœuvre électorale au sommet – même si un véritable front uni de toute la gauche serait un immense progrès. 

Il y a maintenant des discussions entre le Parti communiste et le NPA pour une stratégie commune avec la France insoumise de Mélenchon aux élections législatives. C’est une approche correcte, qui inquiète d’ailleurs le camp de Macron, qui voit bien la menace potentielle de la gauche. Cependant, on peut aussi se demander pourquoi ces deux petits partis n’ont pas soutenu Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle. Ces tentatives de rapprochement maintenant relèvent pour beaucoup de l’opportunisme, car les petits partis auront plus de mal à obtenir une représentation parlementaire s’ils font cavalier seul.

La force de la gauche viendra des mobilisations des travailleurs et de la jeunesse de France dans la période à venir. Bloquée sur le front électoral, la classe ouvrière française sera obligée de compter sur ses propres forces. Nous verrons des grèves et des manifestations dans les rues, voire des occupations d’usines à un moment donné. Nous verrons des mobilisations massives de la jeunesse dans les rues et sous la forme d’occupations d’universités.

Si Mélenchon adoptait un véritable programme socialiste, un programme de nationalisations sous contrôle ouvrier, d’expropriation des banques et des grands monopoles, il pourrait expliquer aux travailleurs et à la jeunesse française que les ressources pour réduire l’âge de la retraite, pour fournir des salaires décents à tous, pour fournir un logement à tous, pour fournir un système de santé public entièrement financé existent. 

Cela couperait court au racisme et à la xénophobie de Le Pen et rassemblerait tous les travailleurs de France dans un bloc uni pour transformer la société de la tête aux pieds. Cela convaincrait également les millions d’abstentionnistes de soutenir un tel programme. Et cela inspirerait les travailleurs de toute l’Europe qui sont confrontés aux mêmes problèmes que leurs frères et sœurs français.

Malheureusement, Mélenchon ne présente pas un tel programme. Il se limite à chercher des solutions dans les limites du capitalisme. S’il continue sur cette voie, il contribuera au renforcement de la droite.

Dans cette situation, notre tâche n’est ni de rire, ni de pleurer, mais de comprendre. Il est possible en France de construire un puissant mouvement de la classe ouvrière et de la jeunesse, et de changer radicalement la société. Mais cela dépend de la direction de la classe ouvrière qui, jusqu’à présent, a fait défaut. Les marxistes sont les seuls à avoir les réponses aux problèmes de la classe ouvrière. Mais ils sont trop peu nombreux. La prochaine période, cependant, offre un terrain très fertile sur lequel nos idées peuvent se développer, en particulier parmi les jeunes, mais aussi parmi les couches croissantes de la classe ouvrière. Notre tâche immédiate, par conséquent, est de renforcer les forces du marxisme authentique et de préparer le terrain pour l’émergence d’un puissant courant révolutionnaire parmi les travailleurs et la jeunesse de France. Il n’y a pas d’autre voie!

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